1911 | Henriette DEHERME - Jeanne GUELDRY, 20 août. | |
ÉCHOS
Dimanche 20 août 1911 Oh ! ma Jeanne chérie, Quelle bonne petite lettre tu m’écris !... Comme c’est toujours doux et réconfortant ce qui vient de toi et que cela me fait du bien de me sentir comprise ainsi !! Ah ! oui ! tu as tout a fait senti et deviné de ce qui se passait en moi !... Oui ! cela a été, cela est plus que je n’aurais pu supposer !! Ce lien maternel dont tu parles, c’était bien cela qui m’attachait à ce petit, et maintenant j’ éprouve comme une amputation ! un vrai déchirement ! Je ne suis pas encore remise !... il faut laisser du temps, mais, vrai !... je ne me doutais pas qu’il me serait encore possible de souffrir à ce point !! Ah ! cette bonne petite entrevue dont je me réjouissais tant d’avance à Laroche, a-t-elle été gâtée !!! Je n’ai pas eu le courage de te raconter mon retour à Paris. Cela a été si dur dans ces conditions, qu’il me semble maintenant que c’est un cauchemar que je ne peux même pas supporter en pensée !... ah ! j’ai pas de chance !... Figures-toi que je voulais faire signe à Estelle dès notre arrivée---mais le courage m’a manqué, sentant bien que je pourrais pas prononcer une parole sans pleurer ! Si tu as l’occasion, tu lui expliqueras…. Qu’elle n’aille pas supposer que c’est indifférence de ma part ! Je suis dans un fichu état ! je ne peux absolument plus manger, je souffre de la tête tout le temps, et, en plus, j’ai trouvé moyen (par ces chaleurs caniculaires), d’attraper une grippe de 1ere qualité !... Je laisse Georges s’occuper de tout, car moi je ne suis plus capable de quoi que ce soit ! Nous attendons nos meubles ces jours-ci, mais je souhaite qu’ils arrivent en retard car l’appartement du Bd de la Madeleine est dans un état de gâchis pitoyable… Peintres, colleurs de papier, serrurier etc… tout cela fonctionne furieusement et le résultat est qu’on ne peut risquer ni un pied ni une patte sans aventure ! Cela nous semble bon d’être échoués av de l’Opéra. J’espère toujours bien aller à Jouy vers le 4 septembre … mais que de choses à faire d’ici-là !! Ma Jeanne chérie, je te souhaite une bonne fête, je t’aime, je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que Ferdinand, Raymond, ma Ghis et Gégé. Georges vous envoie ses meilleures amitiés. Henriette |
1911 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [20 Septembre 1911]. | |
ÉCHOS
Cher Monsieur Deherme Ma grande fille ayant dit papa, je l’ai menée devant l’appareil photographique et maintenant je lui fais prendre le chemin de Paris pour vous porter nos amitiés. Ses six dents et ses grosses joues font honneur au dévouement et la science de sa maman. Il me semble fort que, lors du passage de la théorie à la pratique, la politique comtiste fera tenir une première place à l’art et la science d‘élever les enfants dans l’enseignement destiné aux futures mères. J’aperçois, maintenant, autour de moi, que les bébés sont élevés au hasard, avec beaucoup de cœur et pas mal de préjugés ; mais le cœur ne supplée pas à la science, il ne doit pas la supprimer mais l’aider. Je comprends mieux le fléchisse-ment des caractères maintenant que les nourrices pullulent et que les mères leur confient leurs petits. Il est plus pénible d’élever un enfant que de travailler à l’atelier et je m’explique pourquoi les femmes des tissages mécaniques de Roanne préfèrent la nourrice ; je saisis ce que veut dire : « je n’ai pas assez de lait » ou « ma petite a besoin de changer d’air, elle ne se porte pas bien ». Le malthusianisme est une théorie ingénieuse et après coup qui masque le fléchissement de l’instinct de reproduction et l’instinct maternel ; cette théorie est une conséquence et ne mérite pas des sarcasmes. Vous m’avez demandé lorsque que j’en aurai l’occasion de vous dire ce que je faisais exactement et la situation de ma corporation à St Etienne. J’ai été toute ma vie ouvrier tisseur ; depuis quatre ans, j’ai monté un peu en grade, c’est-à-dire que j’ai obtenu plus de soucis et de tracas en devenant ce qu’on appelle à Roanne « un gareur ». Le gareur est l’ouvrier qui aide de ses conseils et de son habileté mécanique 26 ouvriers qui sont sous sa responsabilité. Un ouvrier tisseur conduit 2 métiers mécaniques. Quand ces métiers se détraquent, quand il faut monter des articles nouveaux c’est le gareur qui arrange tout cela. Le tisseur est à ses pièces, au mètre, le gareur est à l’heure, il a 0fr55 de l’heure. Le tisseur gagne beaucoup moins en moyenne, mais cela dépend des articles qu’il fabrique et du chômage. Le gareur a plus ou moins d’ennuis mais que le prix de façon se modifie et que l’article soit ingrat, il gagne tout autant. Le gareur est en quelque sorte le tampon, l’intermédiaire entre le patron et l’ouvrier. Harcelé par le patron pour augmenter la production, plus ou moins haï par l’ouvrier, le gareur voit bien des choses. Et lorsque vous parlez de la grande industrie, de son organisation monocratique et de ses avantages appliqués à la politique, il sourit. Le favoritisme, le déchet, le coulage, le puffisme industriel sont parallèles à ceux du parlementarisme. Le tissage du coton n’existe pas à St Etienne ; il n’y a rien de commun entre le tissage de la soie et celui du coton, si ce n’est les principes généraux du tissage qui sont d’enchevêtrer, par une certaine technique, les fils les uns dans les autres. Le tissage du coton occupe à Roanne 10000 ouvriers et tous les cours d’eau de Roanne à l’Arbresle (40 km. de Lyon) ainsi que quelques bourgades (Thizy, Amplepuis) font battre des métiers à tisser le coton. 25 ou 30000 ouvriers en tout. Les fibres du coton sont notre lot et St Etienne à la soie. Les marchés industriels de ces deux produits étant sans rapport, l’une et l’autre production n’ont aucun lien. Cependant, on peut dire, que les manufactures de cotonnades prennent leurs motifs de décoration à la soierie en les adaptant aux tissus de coton. Certaines modes de soierie, certains coloris déteignent sur notre industrie. Depuis 1872, de grands ateliers employaient les ouvriers, et jusqu’en 1885 les industriels ont gagné de l’argent et on détruit radicalement la petite boutique familiale qui produisait peu. Le métier à la maison exigeait un ouvrier et produisait 10 mètres par jour ; avec la mécanique un ouvrier conduit deux métiers 40 mètres par jour. Depuis quelques temps, l’électricité révolutionne notre petit coin et les façonniers ayant 4, 6 ou 8 métiers s’installent partout et font une concurrence aux ouvriers des grands ateliers. Ils intensifient leur production, et font baisser les prix. Et le chômage prolongé et la misère vont croissant. Rien qu’un exemple qui se répète à de nombreux exemplaires. Notre voisine est depuis longtemps séparée de son mari, elle est seule à subvenir à ses besoins et à ceux de ses deux enfants. Voilà 5 mois que le chômage dure à Roanne, elle fait 2 jours 1/2 de travail par semaine à 4 francs en moyenne par jour. Il ne faut pas s’étonner que le sabotage à propos des denrées chères ait commencé pour la 1ere fois à Roanne. Si je cite cela ce n’est pas pour l’excuser, mais ce que la raison ne comprend pas, le cœur aurait bien envie de l’absoudre. Recevez cher Monsieur Deherme toutes nos amitiés. Ma femme se dit très touchée de la sympathie que vous manifestez pour elle et sa petite fille. Signature |
1911 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 28 septembre. | |
ÉCHOS
La Coopération des Idées Revue bi-mensuelle d’éducation sociale G. Deherm, directeur, à La Seyne (Var) Adresse biffée remplacée par 6, Boulevard de la Madeleine Paris Mon Cher Ravaté, Ma femme et moi nous sommes très touchés de votre délicate attention. Quel superbe bébé ! Ma femme m’a demandé les photographies. Nous envions votre bonheur. Donnez-nous souvent des nouvelles de votre petite, n’est-ce pas ? Oui, on élève de plus en plus mal les enfants ; mais c’est surtout au manque de cœur qu’il faut l’attribuer. Le « cœur » n’est pas seulement la sensiblerie, c’est le courage, la force. Les femmes détraquées, névrosées manquent de cœur, encore qu’elles prétendent en avoir trop. Les renseignements que vous me donner sur votre situation et l’état de votre corporation m’intéressent au plus haut point. C’est une excellente documentation. Les abus de la grande industrie tiennent à notre état d’anarchie générale. Je n’ai jamais dit qu’une refonte politique seule pouvait y mettre fin. Je ne dis pas avec l’Action française : « politique d’abord ». Le positivisme met à la base de toute réorganisation, la réorganisation intellectuelle ; et au faite, la réorganisation morale. J’ai dit seulement qu’un grand industriel qui appliquerait dans son usine le système parlementaire se ruinerait. J’ai dit aussi que la condition essentielle de l’ordre politique était l’unité de direction, la continuité et la responsabilité. Mais il n’y a pas que l’ordre politique, et aucun Etat ne peut y atteindre si la société reste dans le chaos et si les esprits ne sont pas ralliés suffisamment. D’ailleurs, vous indiquez vous-même le mal que font à votre corporation les façonniers qui s’installent grâce à la force électrique avec 4, 6 ou 8 métiers. C’est une grave question que je traiterai prochainement. Le sabotage ne peut qu’aggraver la cherté des subsistances. Ce renchérissement est un effet du désordre politique, économique et même moral. Tout se paye. Si la France ne connaît pas encore la vraie famine, c’est qu’elle jouit d’un sol et d’un climat privilégié. Mais cela viendra. Et le sabotage y poussera plus encore. Non seulement par les dégâts qu’il commet, mais encore par toutes les répercussions économiques qui s’ensuivent et que vous ne pouvez pas ne pas entrevoir. Il y a là une funeste erreur du syndicalisme. Le sabotage, c’est toute la bourgeoisie depuis près de deux siècles. En l’imitant, le prolétariat fait fausse route. Il s’en apercevra. Je suis en pleine installation ici. Je me prépare à tenter un grand effort. À partir de 1er janvier, la revue aura 80 pages de texte, sur beau papier. Elle sera en vente dans les principales gares. J’en enverrai 5 ex. au libraire dont vous m’avez donné l’adresse. Ma femme se joint à moi pour prier Madame Ravaté d’accepter nos meilleures amitiés et nos vœux bien sincères pour la santé de votre chère petite. Bien cordialement vôtre G. Deherme Notre pauvre petit chimpanzé, si bon, si intelligent, est mort dans le transfert. Il a été asphyxié par la faute d’imbéciles déménageurs. Ma femme a « eu un immense chagrin ». |
1911 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 1er octobre. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1911 | A. BAUMANN - Georges DEHERME, 10 octobre. | VOIR | |
1911 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 1er novembre. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre de Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1911 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 8 décembre. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre de Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1912 | X. - Georges DEHERME, s.d. [1912]. | VOIR | |
1912 | DUGUÉ de la FAUCONNERIE - Georges DEHERME, s.d. [1912]. | VOIR |
ÉCHOS
Remalard (Orne) Je suis navré, mon cher Georges, de la nouvelle que votre Yette nous apprend ce matin ; mais sans être autrement surpris. Assurément vous avez dépensé dans votre Coopération des Idées une somme invraisemblable de travail, d’énergie, d’honnêteté et de talent ….vous n’y parliez d’aucune questions de sport, de toilette, de cabotinisme et de gueule. Où diable espériez-vous trouver une clientèle ? Mes chers enfants, notre pauvre pays est bien malade et s’il retrouve jamais la santé ce ne pourra être qu’après d’effroyables épreuves ! Je vous embrasse tous les deux de tout mon cœur. Signature. |
1912 | Georges DEHERME - X. 1er janvier. | VOIR | |
1912 | Henriette DEHERME - Eugénie RAVATÉ, s.d. [1er Janvier 1912]. | VOIR | |
1912 | Charles DESCHARS - Georges DEHERME, 8 janvier. | VOIR | |
1912 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [févier 1912]. | |
ÉCHOS
Lettre s.d. (février 1912) Cher Monsieur Deherme Notre bonne Coopération des idées quoique transformée et agrandie, conserve bien sa personnalité : couleur verte, symbole de printemps, de renouveau, d’enfantement ; et aussi la jolie figure de Séon qui domine le champ des fleurettes de l’esprit et du cœur qui entoure le titre de la revue. Sans tout cela notre Coopération aurait paru changée. Quant au préambule, il satisfera les plus exigeants, il est large et précis ; il a de quoi rallier beaucoup de bonnes volontés hésitantes. Evidemment, il suscitera des controverses, mais il a le grand mérite de forcer à préciser les notions fondamentales sur lesquelles nous vivons. Et cela est l’essentiel. Pour quelques détails je ferai des objections, c’est demander ainsi des éclaircissements. ‘Le positivisme n’est que la philosophie du bon sens ». Il me semble qu’il est plus et autre chose que cela. D’ailleurs, ce terme si vague enveloppe tant de notions disparates qu’il ne peut synthétiser l’ensemble philosophique du positivisme. Je suis persuadé que le problème soulevé souvent dans la Coopération relativement à la nécessité et à l’importance d’un dictateur, de l’hérédité sociocratique ne sera résolu ni par le bon sens ni par le mauvais ; le bon sens de qui ? ; de Mr Toutlemonde, de certains groupes, de sociologues, des prolétaires, des femmes… Sans doute, bon sens signifie ce que l’expérience sociale a inscrit dans la mentalité des hommes, mais comme l’expérience n’a pas une répercussion semblable dans tous les cerveaux normaux, il y a beaucoup à trier dans ce que le bon sens peut produire. Voue en avez aussi contre le scientisme et depuis longtemps déjà je le note. Il n’y a pas d’autre science que ce que le scientisme matérialiste produit. Le scientisme n’est ni spiritualiste, ni animiste, ni […] ; il y aurait contradiction dans les termes ; sans spécialisation non plus, on n’aboutit à rien de fécond. Je comprends que le savant cantonné, d’une façon absolue, dans les détails de la coquille des mollusques, est stupide, que son savoir est oiseux ; mais cette espèce savante est plutôt rare et quelquefois peut être utile. Il est plus facile d’utiliser le spectroscope à la recherche de la composition chimique, aux mouvements des astres qu’à trouver un remède contre le coryza. C’est une boutade. Des miliers de bonshommes vous trouveront des remèdes et quelques rares esprits trouveront et manipuleront ces faits délicats et complexes qui situent les corps célestes à leur place. A mon avis, il est aussi nécessaire à l’homme complet, que veut le positivisme, de savoir et comprendre ce qu’est l’univers et l’homme que les lois sociales qui règlent le cours des sociétés. On n’atteint à ces dernières notions que quand les premières sont inscrites profondément en vous. La préhistoire est lacunaire, soit ; mais pas si romanesque que la genèse biblique ; entre les deux romans, Comte a bien choisi le meilleur : la science positive ; et il me semble que toute la science préhistorique, qui n’était pas née, l’aurait attiré plus que la fiat lux et que la boue pétrie pour former l’homme. Parmi les trente volumes qu’il conseille en science, il indique la philosophie zoologique de Lamarck et c’est beaucoup dire. A lire, dans le préambule, la page 9, on pourrait supposer que le positivisme et que son fondateur n’aurait pas opté. Si et sans aucune hésitation. Vola ma réponse. J’espère que vous excuserez ce que peut avoir de vif mon plaidoyer en faveur de la science ; mais j’aime tant sa méthode est ses disciplines que le positivisme de notre…. |
1912 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [février 1912]. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre s.d. (février 1912) Cher Monsieur Deherme Notre bonne Coopération des idées quoique transformée et agrandie, conserve bien sa personnalité : couleur verte, symbole de printemps, de renouveau, d’enfantement ; et aussi la jolie figure de Séon qui domine le champ des fleurettes de l’esprit et du cœur qui entoure le titre de la revue. Sans tout cela notre Coopération aurait paru changée. Quant au préambule, il satisfera les plus exigeants, il est large et précis ; il a de quoi rallier beaucoup de bonnes volontés hésitantes. Evidemment, il suscitera des controverses, mais il a le grand mérite de forcer à préciser les notions fondamentales sur lesquelles nous vivons. Et cela est l’essentiel. Pour quelques détails je ferai des objections, c’est demander ainsi des éclaircissements. "Le positivisme n’est que la philosophie du bon sens". Il me semble qu’il est plus et autre chose que cela. D’ailleurs, ce terme si vague enveloppe tant de notions disparates qu’il ne peut synthétiser l’ensemble philosophique du positivisme. Je suis persuadé que le problème soulevé souvent dans la Coopération relativement à la nécessité et à l’importance d’un dictateur, de l’hérédité sociocratique ne sera résolu ni par le bon sens ni par le mauvais ; le bon sens de qui [..] ; de Mr Toutlemonde, de certains groupes, de sociologues, des prolétaires, des femmes… Sans doute, bon sens signifie ce que l’expérience sociale a inscrit dans la mentalité des hommes, mais comme l’expérience n’a pas une répercussion semblable dans tous les cerveaux normaux, il y a beaucoup à trier dans ce que le bon sens peut produire. Voue en avez aussi contre le scientisme et depuis longtemps déjà je le note. Il n’y a pas d’autre science que ce que le scientisme matérialiste produit. Le scientisme n’est ni spiritualiste, ni animiste, ni […] ; il y aurait contradiction dans les termes ; sans spécialisation non plus, on n’aboutit à rien de fécond. Je comprends que le savant cantonné, d’une façon absolue, dans les détails de la coquille des mollusques, est stupide, que son savoir est oiseux ; mais cette espèce savante est plutôt rare et quelquefois peut être utile. Il est plus facile d’utiliser le spectroscope à la recherche de la composition chimique, aux mouvements des astres qu’à trouver un remède contre le coryza. C’est une boutade. Des miliers de bonshommes vous trouveront des remèdes et quelques rares esprits trouveront et manipuleront ces faits délicats et complexes qui situent les corps célestes à leur place. A mon avis, il est aussi nécessaire à l’homme complet, que veut le positivisme, de savoir et comprendre ce qu’est l’univers et l’homme que les lois sociales qui règlent le cours des sociétés. On n’atteint à ces dernières notions que quand les premières sont inscrites profondément en vous. La préhistoire est lacunaire, soit ; mais pas si romanesque que la genèse biblique ; entre les deux romans, Comte a bien choisi le meilleur : la science positive ; et il me semble que toute la science préhistorique, qui n’était pas née, l’aurait attiré plus que la fiat lux et que la boue pétrie pour former l’homme. Parmi les trente volumes qu’il conseille en science, il indique la philosophie zoologique de Lamarck et c’est beaucoup dire. A lire, dans le préambule, la page 9, on pourrait supposer que le positivisme et que son fondateur n’aurait pas opté. Si et sans aucune hésitation. Vola ma réponse. J’espère que vous excuserez ce que peut avoir de vif mon plaidoyer en faveur de la science ; mais j’aime tant sa méthode est ses disciplines que le positivisme de notre…. |
1912 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, s.d. [ février 1912]. | VOIR |
ÉCHOS
La Coopération des Idées Revue bi-mensuelle d’éducation sociale G. Deherme, directeur, à La Seyne (Var) Adresse biffée remplacée par 6, Boulevard de la Madeleine Paris Mon Cher Ravaté, Je vous remercie bien sincèrement de votre souscription et de vos adresses. Je me suis empressé d’envoyer le n° à ces personnes. Je suis très heureux de votre adhésion à notre transformation et à mon préambule. Pour les critiques de détail, j’y veux répondre brièvement. Par philosophie, il faut toujours entendre synthèse. En disant philosophie du bon sens, il faut entendre synthèse de toutes les expériences vécues. C’est pourquoi le positivisme est une doctrine vraiment populaire. Évidemment, ce n’est pas au simple empirisme à trancher les grandes et difficiles questions de la politique positive ; mais il mettra toujours l’esprit dans la disposition de reconnaître les solutions et de les accepter. Comte a dit lui-même que le positivisme n’était que la systématisation du bon sens. Et c’est par là qu’il sera vraiment universel. Le scientisme est une chose, la science en est une autre. Il n’est de science que du général. Le scientisme est toujours spécial. Cela ne l’empêche pas d’ailleurs, de se prononcer sur ce qui est inaccessible à l’esprit humain. C’est le cas des matérialistes. .Vous n’avez peut-être jamais été en contact avec quelque savant breveté. Si vous connaissiez le vide de leur esprit et de leur cœur ! Leur sottise est inouïe ! Leur moralité médiocre. Il en est qui font tourner les tables.Le bluff est général. C’est comme savant que Lamarck est inscrit dans le calendrier positiviste, et non pour ses fantaisies évolutionistes. De même pour sa Philosophie zoologiste Darwin, on en revient maintenant. Toutes ses déductions sont battues en brèche. Haeckel a été pris en flagrant délit de mystification : il a truqué des photographies d’embryons pour prouver la fameuse gradation, -qui elle même ne prouvait rien. Il est a jamais disqualifié. La vérité est que les questions d’origines et de fins nous sont inaccessibles. D’ailleurs, il ne nous servirait de rien de les résoudre, et il est dangereux de se les poser. Pour Comte, et je partage entièrement cette manière de voir, si l’on tient absolument à se faire une opinion sur les origines et les fins de l’Humanité, il est beaucoup plus simple et raisonnable d’accepter la doctrine théologique que tout autre. La Bible est beaucoup moins fantaisiste que la préhistoire de M. Mortillet. Nos scientistes se posent un peu en sorciers. Il faut les remettre à leur place. L’État jacobin ayant besoin d’une doctrine et d’un sacerdoce a cru devoir offrir cela aux Français. Mais le rôle est mal tenu, -et sans dignité. Ces grands prêtres du matérialisme aiment trop les places, argent, les rubans, - et manquant de cœur ils manquent d’intelligence. Les plus grands ennemis de la science, ce sont les scientistes. Et j’ai dit pourquoi. Toute science établit des constances. Elle se subordonne à l’Humanité. Je vous engage, à ce sujet, à lire le Discours sur l’esprit positif et le Cours d’astronomie populaire de Comte. Ma femme et moi, nous vous souhaitons à vous ainsi qu’à votre femme et à votre fille une année de bonheur et de santé Bien cordialement G. Deherme Je suis assez content du développement de la revue. Si cela continue ainsi, je pourrai tenir. Il y a à faire. Ah ! si les travailleurs savaient. |
1912 | Louis DEHERME - Georges DEHERME, 8 février. | VOIR | |
1912 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 26 février. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre de Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1912 | Paul VULLIAUD - Georges DEHERME, 3 avril. | VOIR | |
1912 | RENEAUME - Georges DEHERME, 28 avril. | VOIR | |
1912 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 3 mai. | VOIR |
ÉCHOS
Le 3 mai 1912 Cher Monsieur Deherme Vous m’excuserez de ne pas vous avoir remercié de l’envoi de votre livre, mais j’attendais le réponse du président de la coopérative pour pouvoir vous annoncer que, dans le petit journal de la société, on me laisserait la liberté de l’analyser. C’est donc dire que je ferais tout ce que je pourrais pour engager les coopérateurs de la région roannaise à l’acheter et à le lire. D’ailleurs ils ne pourront qu’y gagner. Quand le journal paraître, je vous l’adresserai. J’espère bien que je n’aurai pas trahi votre pensée ni les leçons qui en découlent. Combien vous avez été obligeant de débarbouiller ma prose sur la semaine anglaise à Roanne – et, en plus, vous m’en avez laissé tout le mérite. Encore merci. Notre petite Marguerite croît toujours, la pesée mensuelle l’indique, ainsi que les progrès de sa petite langue et de ses gestes plus précis, plus adaptés. Elle commence à assembler trois mots à la fois et elle coure comme un petit rat. C’est vous dire les joies qu’elle nous procure et que nous nous efforçons de lui rendre. Nos respectueuses amitiés à Madame Deherme. Et bien cordialement vôtre. Jules Ravaté. |
1912 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 7 juin. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre de Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1912 | Georges DEHERME - Horace DEHERME, 9 juin. | VOIR | |
1912 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 29 juin. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre de Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1912 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 10 juillet. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre de Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1912 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 2 août. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre de Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1912 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 18 septembre. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre de Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1912 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ , 25 septembre. | |
ÉCHOS
La Coopération des Idées Revue d’éducation sociale paraissant le 1er et le 16 de chaque mois G. Deherme, directeur Rédaction et Administration 6, Boulevard de la Made-leine – Paris 25 septembre
Mon cher ami, Nous avons été très touché, ma femme et moi, de votre bonne pensée amicale qui vous a fait donner le nom de Georgette à votre chère petite. Cela nous rend votre chère petite d’autant plus intéressante. Nous nous considérons un peu, si vous le voulez bien, comme ses parrains et marraines. Cette institution qui remonte aux origines de l’Eglise avait sa raison d’être, et le positivisme saura la conserver, en l’améliorant. Comme notre petite Georgette ne saurait nous entendre encore, c’est sur sa maman que nous reportons nos vœux de bonne santé, en la priant de bien vouloir embrasser pour nous ses deux mignonnes. Aimez-vous bien dans vos deux petites, et vous aurez tout ce que la vie peut donner de vrai bonheur. Votre lettre m’a paru si intéressante que j’en publie tout ce qui concerne le livre de Taylor, - avec ma réponse, bien entendu. Vous lirez donc cette réponse dans le prochain n°. Je ne reçois pas la Revue anthropologique quoique Manouvrier soit notre abonné, et comme je n’ai pas le temps d’aller à la bibliothèque, je n’ai pu lire l’article que vous me signalez. Je sais que Manouvrier est un savant modeste et un esprit sérieux et qui sait se corriger. Pourquoi ne feriez-vous pas l’extrait vous-même ? J’ai toujours en vue un gros ouvrage sur le crime et la peine ; mais je ne sais encore quand je pourrai m’y mettre. Il y a des questions plus pressantes. Bien affectueusement à vous. G. Deherme |
1912 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 4 novembre. | |
ÉCHOS
La Coopération des Idées Revue d’éducation sociale paraissant le 1er et le 16 de chaque mois G. Deherme, directeur Rédaction et Administration 6, Boulevard de la Made-leine – Paris 4 novembre 1913 Mon Cher ami, J’ai été péniblement surpris d’apprendre que vous étiez malade. Qu’avez-vous donc ? Gastralgie ? Comment cela vous a-t-il pris ? J’aimerais bien avoir de vos nouvelles de temps à autre. Si j’avais su que vous étiez alité, j’aurais charge Daudé-Bancel d’aller vous voir. Je lui avais parlé de vous, et j’espérais que vous vous rencontreriez à la Solidarité. J’ai lu avec plaisir votre bonne réponse à Monatte, et je l’ai expédiée aussitôt. Je connais les milieux révolutionnaires, j’ai été anarchiste de 15 à 20 ans (j’en ai 46 aujourd’hui), - et j’ai pu constater l’effrayante misère intellectuelle et morale de ces milieux, et qu’aucune révolution, hélas ! ne peut supprimer. Il y a longtemps que Proudhon dénonçait la plaie des [...] l’envie. Si Comte n’était pas mort prématurément, il y aurait eu un beau mouvement prolétarien vers le positivisme. Beaucoup de prolétaires communistes, à Lyon et à Paris, avaient adhéré, -et l’une de nos plus belles figures est l’ouvrier Fabien Magnien. Je vous signale à ce sujet, son aphorisme habituel : « le travail utile ne peut jamais manquer ». Je me propose de faire une étude sur ce beau type de prolétaire positiviste à l’occasion du monument qu’on va lui élever dans son pays. Malheureusement, après la mort de Comte, le positivisme fut exploité par une coterie de bourgeois, et le bel élan fut arrêté. Keufer a trop souvent suivi les inspirations de cette coterie. Vous sentez bien que nous voulons nous rattacher à Comte, directement, et nous appuyer sur le sentiment féminin et l’énergie prolétarienne. Le positivisme n’est pas une philosophie d’intellectuels. Vous le comprendrez de mieux en mieux. Quelle force aurait une organisation ouvrière si elle s’appuyait sur une telle doctrine. Soyez assuré que nous sommes bien heureux d’assumer le devoir d’affection et de protection qu’implique notre titre de parrain et de marraine de Georgette. Il faudra en faire une bonne petite fille et une vraie femme, qui sache bien qu’il n’y a pas de plus grand bonheur que de se dévouer. Bon courage, mon cher ami, et donnez-moi vite de meilleures nouvelles. Toutes nos affectueuses amitiés à Madame Ravaté. G. Deherme |
1912 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 14 novembre. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre de Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1912 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 25 novembre. | VOIR | |
1912 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [décembre 1912]. | VOIR | |
1912 | X. - Henriette DEHERME, 28 décembre. | VOIR | |
1912 | Charles DESCHARS - Georges DEHERME, 29 décembre. | VOIR | |
1912 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 29 décembre. | VOIR |
ÉCHOS
Votre décision nous a navré, la Coopération nous était trop chère pour que sa disparition ne nous afflige pas ; moi et ma femme, |
1912 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 29 décembre. | |
ÉCHOS
La Coopération des Idées Revue d’éducation sociale paraissant le 1er et le 16 de chaque mois G. Deherme, directeur Rédaction et Administration 6, Boulevard de la Made-leine – Paris 29 décembre 1912 Mon Cher ami, Je suis bien obligé de suspendre la publication de la revue. Je n’ai pas voulu que cela vous fût annoncé par la banale circulaire que j’adresse aux abonnés. J’ai lutté jusqu’au bout, je suis endetté pour plusieurs années, je ne puis continuer. Vous devez penser avec quelle tristesse j’ai pris cette décision. L’influence intellectuelle et morale de la revue grandissait ; mais ce n’est pas avec cela qu’on paye l’imprimeur. Nos relations ne cesseront pas pour cela, je l’espère. Écrivez moi souvent. Donnez-moi de vos nouvelles et de celle de votre petite famille que nous voudrions bien connaître. Êtes vous remis ? Bien cordialement. G. Deherme |
1913 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 1er janvier. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre de Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1913 | Victor BOUCARD - Georges DEHERME, 4 janvier. | VOIR | |
1913 | P. MIOU - Georges DEHERME, 14 janvier. | VOIR | |
1913 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 14 janvier. | |
ÉCHOS
La Coopération des Idées Revue d’éducation sociale paraissant le 1er et le 16 de chaque mois G. Deherme, directeur Rédaction et Administration 6, Boulevard de la Made-leine – Paris Mon cher ami, Votre lettre m’a fait du bien. Mais parmi tant d’autres lettres, si touchantes que j’ai reçu à cette occasion, c’est elle qui m’est la plus précieuse. J’ai tenu à vous le faire savoir. Et au moment où j’entrevois – grâce aux encouragements qui me viennent de toutes parts et à quelques offres de concours – la possibilité de reprendre la publication, sans en rien diminuer. Ce sera, je l’espère, pour octobre. Je garde donc vos 6 fr pour votre prochain abt. Vraiment la C.d.I. est une force spirituelle. Nos lecteurs sont une élite. L’amas de lettres que j’ai là devant moi en est une preuve. De toute façon, je n’abandonne rien. Nous nous maintiendrons suivant nos forces. J’ai beaucoup de lettres à écrire, je vous écrirai plus longuement une autre fois ; mais donnez-moi souvent de vos nouvelles à vous quatre. J’espère bien pouvoir un jour passer par Roanne. Ménagez vous. Embrassez bien vos deux petites pour nous deux, et assurez votre chère femme de notre amitié. Bien à vous G. Deherme |
1913 | A. HUGON - Georges DEHERME , 15 janvier. | VOIR | |
1913 | Charles DESCHARS - Georges DEHERME, 18 janvier. | VOIR | |
1913 | LA PETITE REVUE DU MIDI - Georges DEHERME, 26 février. | VOIR | |
1913 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 2 mars. | VOIR |
ÉCHOS
J’ai reçu de M. Youssef Fehmi une circulaire et une brochure qui a comme titre général « Un essai d’apostolat des chevaliers positivistes ». Affaire Lucheni. L’auteur à mon avis est trop jeune pour le rôle qu’il veut jouer dans le mouvement positiviste oriental ; jeune de maturité intellectuelle, j’estime qu’il manque de mesure. … mais j’y ai trouvé deux points qui de-mandaient des éclaircissements notamment cette phrase de Comte qui, séparée de l’ensemble du contexte me semble atroce et fausse. « À défaut d’autorité morale, l’ordre matériel exige de toute nécessité, ou l’usage de la terreur, ou le recours de la corruption ». Cet ordre maintenu par ces deux méthodes est pire que le désordre qu’il veut réduire. J’aime autant le chaos, l’inorganisé le plus informe que ce caporalisme ou cette perversion qui ... comprend de notre temps. Ces moyens me font peur, ce sont des moyens de désespérés. En tout cas de telles manières qui prêtent à beaucoup de suppositions ne seraient pas faites pour faciliter l’extension des idées positivistes dans l’esprit populaire. Il semble qu’il faudrait ajouter que l’ère positiviste n’emploiera que l’autorité normale et que les méthodes antérieures n’ont été que la terreur et la [...] L’autre point que j’ai mal compris est celui qui vous concerne, il vous oppose à M. Baumann, le collaborateur de la Coop. À propos de la colonisation et de ses méthodes. Il vous dit des injures qui ne prouvent jamais rien mais il pose quand même le positivisme et la colonisation sont opposés ; et au moment ou plus que jamais les peuples cherchent et exploitent les colonies, il y aurait bien à dire sur ce sujet. Vous m’avez tellement gâté que je suis inquiet, j’ai peur qu’ayant changé de domicile […] j’espère bien que vous n’êtes pas malade ni qu’il y ait rien de fâcheux à propos de la Coop. Des I.
|
1913 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 3 mars. | VOIR | |
1913 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 1er mars, 5 mars. | |
ÉCHOS
Laissez-moi vous féliciter d’abord, mon cher Ravaté, de votre transfert à la campagne. C’est une excellente détermination que vous avez prise là. C’est de la santé, de la vigueur pour vos chers petits. J’ai bien reçu ?, et j’ai lu votre solide étude. Je regrette bien qu’elle n’ait pas paru dans la Coopération des Idées. A ce propos, avez-vous lu, dans La Voix du Peuple (dernier n°) l’imbécile article de Merrheim ? 5 mars J’avais laissé ma lettre. Je la reprends seulement aujourd’hui. Je suis vraiment confus d’avoir tant tardé à vous répondre. Je ne vous dirai pas que j’ai trop à faire. Mon travail ne m’a jamais empêché de me livrer au plaisir d’écrire à mes amis. C’est plutôt que ma vie, depuis que la revue ne paraît plus, est désorganisée. J’ai des préoccupations matérielles pour assurer la reprise de notre œuvre, et rien n’est plus nuisible au travail intellectuel et à l’équilibre moral. Depuis, la Voix du Peuple a publié un deuxième article de Merrheim (et ce n’est pas fini), et le Matin, hier publiait un article de Pouget sur la même question. Si celui-là est imbécile, celui-ci est fourbe. Il y a de la mauvaise foi. Pouget n’est pas une bête, et il sait ce qu’il dit. Vous devriez répondre à Merrheim, soit dans la Voix, soit dans la Vie ouvrière. D’un syndicaliste, cela porterait. Ces MM. reproduisent contre l’organisation scientifique du travail, les mêmes pauvres arguments que les « meneurs » de 1830 à 1840 objectaient au machinisme. C’est navrant. Il faut leur rappeler que le travail n’est pas un but : mais un moyen. Sera-ce un mal si la nouvelle organisation ne permet pas l’emploi des enfants, des femmes, des vieillards et des infirmes ? et si la société n’en est que plus riche ? C’est insensé ! À la vérité, ces « meneurs » ne savent que d’exalter les rancunes et les colères du populaire. L’initiative venant, cette fois, du capitalisme, c’était une bonne occasion. Peut-être quelques patrons ont-ils, en effet, cherché à exploiter le système. Qu’est-ce que cela prouve contre le système ? Dans notre anarchie, tout est prétexte à abus. C’est contre l’abus et non contre le système qu’il faut marcher, - c’est-à-dire pour l’ordre. Mais cela ne ferait pas l’affaire de ceux qui vivent du désordre, - dans le capitalisme comme dans le syndicalisme. Cette hospitalité offerte par le Matin au Père Peinard est pleine d’enseignement. Hélas ! le bon prolo ne l’entend pas. Jusques à quand se laissera t-il duper par ses meneurs ? Il faut que les protestations viennent de syndicalistes. Ce serait une leçon pour ces Messieurs. Oui, pour nous, il faut que nous nous sentions mieux ensemble. Malheureusement, nous sommes disséminés. Néanmoins, il faudra que nous entrions en relations les uns avec les autres. Cela se fera lentement. Vous voyez que nous avons devant nous un beau champ d’activité. Pour le programme que vous demandez, c’est une grosse affaire. Il faudrait que nous fussions plus nombreux. Il faudrait les 1000 positivistes complet que nous devons former ou susciter. Jusque-là, ce programme s’élaborera lentement, par l’expérience et la réflexion. Pour répondre à votre deuxième lettre, j’espère toujours que la revue reparaître en octobre. Pour M. Fehmi, c’est un pauvre diable de moitié de Turc que Baumann a cherché à décrasser, - surtout moralement. J’ai quelques raisons de croire qu’il y a fort mal réussi. Le groupe de ce monsieur se compose de lui-même, - et son œuvre positiviste consiste surtout à pourvoir à sa subsistance par toutes sortes de moyens honnêtes ou autres. Son positivisme n’est que le reflet des conversations qu’il a eues avec Baumann et avec moi. Tout cela n’a pas grande importance. En écrivant la phrase que vous citez : « A défaut d’autorité morale… », Comte n’a pas voulu se faire l’apologiste du despotisme temporel. Au contraire. Il constate un fait indéniable, que sans puissance spirituelle supérieure pour la contenir, la régler et la sanctionner, l’autorité temporelle ne se maintient que par la terreur ou la corruption. C’est ce que nous voyons. Il faut contraindre ou persuader, car il n’y a pas de société sans gouvernement ; s’il n’y a pas de puissance spirituelle pour persuader, il faut des forces matérielles pour contraindre. Nous n’échappons pas à cette alternative. C’est pourquoi le positivisme rejoint ici ce qu’à de plus pur et de plus sensé l’idéal dit anarchiste. En poursuivant le développement de la puissance spirituelle, il vise à la diminution constante de la puissance temporelle ?. C’est ce sujet que traitera mon prochain livre. Pour la colonisation, je suis en effet, en désaccord avec quelques positivistes qui s’en tiennent à la lettre de la doctrine et qui ignorent d’ailleurs cette grosse question de la colonisation. Ils oublient que, du temps de Comte, le colonialisme avait une autre signification. Coloniser, c’était alors, exploiter le travail des esclaves, et donc tolérer le monstrueux trafic de la viande noire. C’est contre cela que s’élevait Comte. Aujourd’hui, au contraire, encore que tout ne soit pas parfait et qu’il y ait beaucoup à dire, la colonisation, du moins pour la France, c’est d’abord la suppression du trafic des esclaves. Pour cette question, je vous renvoie à mon Afrique occidentale. L’avez-vous ? Si non, je m’empresse de vous la faire tenir. Il ne faut pas que le long retard de ma réponse vous décourage de m’écrire. Cela ne m’arrivera plus. Embrassez bien vos mignonnes petites et votre chère femme pour nous deux. Bien affectueusement vôtre. G. Deherme Je vous envoie l’article du Matin. Je pourrai vous envoyez également ceux de la Voix du Peuple si vous ne les avez pas reçus. Un petit patron de Macon, qui est loin d’être fier d’appartenir à la classe moyenne, va entreprendre une petite université populaire. Je le mettrai en rapport avec une jeune demoiselle positiviste qui ne demande qu’à s’employer au service social. Pour vous, je vois déjà un docteur presque positiviste de St Etienne, le D. Rimaud et, pour correspondre, (car il habite le Lot-et-Garonne), un ouvrier syndicaliste, qui a suivi à peu près la même voie que vous, toutefois sans pousser ses études si loin. Pour Paris, je reprendrai mes réunions chez, moi, et l’on m’a demandé d’organiser pour l’hiver prochain une série de conférences au Collège libre des sciences sociales. |
1913 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [10 mars 1913]. | VOIR |
ÉCHOS
J’ai bien du contentement de la réapparition pour octobre de la Coop des Idées, les encouragements que vous avez reçu de tous côtés prouvent bien que l’esprit de sincérité, de clarté politique et sociale n’est pas irrémédiablement atteint en France ; mais peut-être n’est-il pas agissant d’une façon continue et c’est là sa faiblesse : il relève les cœurs blessés, tombés mais ne prend pas précaution des résolutions actives ?. Et c’est toute l’œuvre de la revue que de rallier les hésitants en leur procurant une doctrine solide et de faire passer à tous les actes de la vie journalière le clair courage français qui ne se manifeste que par soubresauts. Ne pensez-vous pas faire éclore une union – je ne dis pas parti parce que ce terme est ambigu- entre tous ceux qui comprennent votre effort et les idées politiques et morales du positivisme qui lui servent de fondement ? Il faudrait élaborer un programme net comprenant les doctrines politiques absolument nécessaires à la vie sociale en général et à la vie nationale en particulier, ainsi qu’à la vie communale et régionale, puis les règles de morale à suivre pour soi, pour la famille, pour les groupements, pour les rapports avec les autres individus avec lesquels les unionistes seraient en rapport ; enfin ébaucher un programme d’action, de lutte, de propagande continuelle pour éclairer le public qui veut mais ne peu ni ne sait soit sur les questions urgentes à résoudre ou actuelles, soit sur celle qu’il faut avoir présentes à l’esprit et qui sont l’idéal à atteindre autant que les contingences le permettent. C’est vaste et vague, je m’en doute, mais le premier point à atteindre c’est de nous unir, nous connaître,nous faire connaître ; c’est reprendre le programme des U.P. corrigé par tout ce que les déboires et l’âpre lutte nous ont appris. Quand je réfléchis à l’énorme travail que vous avez à faire, tenir debout la Coop. Pour que tous les quinze jours, il y ait un bon numéro, écrire à tous les lecteurs et amis qui vous accablaient de questions, je me demande comment votre santé peut résister à tous les tracas. Il est peut-être hors de propos de vous demander de réaliser une telle œuvre. J’ai été long à vous répondre mais c’est que le déménagement et l’arrangement de notre nouveau domicile a pris beaucoup de temps ; nous abandonnons la ville et nous sommes un peu à la campagne, nous avons un petit jardin et beaucoup plus d’air et d’espace pour les poumons et les petites jambes des chères petites ; puis j’espère que les quelques légumes récoltés augmenteront le budget et m’aidera à laisser la maman un plus long temps en compagnie de ses filles. Marguerite est de plus en plus bavarde et raisonnable, elle amuse petite Georgette qui commence très bien à la connaître et à lui faire des meilleurs sourires ; quant au papa, Georgette continue à lui téter sérieusement la barbe –car je suis barbu- quand il joue avec elle. Nous attendons avec impatience que vous nous annonciez votre passage, Monsieur Deherme, je l’espère par Roanne ; nous aurons beaucoup de joies à faire connaissance autrement qu’avec la plume. Recevez pour vous et madame Deherme nos affec-tueuses amitiés. Signature PS Ici à Roanne, une revue provinciale « Rodumna » et l’on a du vous ? le premier numéro ; j’ai donné l’article que j’avais fait pour la C.des I. et que je vous avais en-voyé sur l’organisation du travail à propos du livre sde Taylor. J’espère bien que la tenus générale de la revue et de l’article vous plaira. |
1913 | MÉMORIAL CAUCHOIS - Georges DEHERME, 16 mars. | VOIR | |
1913 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 6 avril. | |
ÉCHOS
Mon Cher ami, Vous avez bien fait d’envoyer votre réponse à La Vie ouvrière. J’ai déjà remarqué qu’il y a là un effort pour se dégager du bas démagogisme qui règne trop exclusivement à la C.G.T. Monatte m’a écrit dernièrement pour me demander l’échange. Cette démarche est significative. Je lui ai répondu, naturellement, que je me ferai un plaisir de l’inscrire au service d’échange quand nous reparaîtrons en octobre. Ce que vous me dites au sujet de la brutalité du capitalisme irresponsable est fort juste. C’est une conséquence de notre anarchie. D’ailleurs Taylor n’oublie pas de recommander une extrême prudence dans les transitions. Il rappelle que son système a échoué chaque fois qu’on l’a appliqué trop brusquement en vue du seul profit du patronat, et qu’au contraire, sous sa direction, les entreprises qui l’ont appliqué avec intelligence et humanité ne connaissent plus de grève depuis 30 ans. Il insiste enfin sur ce que ce système est avant tout une collaboration. Je lirai avec grand intérêt votre réponse. Nous partons pour le midi demain, et nous passons tout l’été sur les bords de la Méditerranée. L’état de santé de ma femme nous y oblige. Nos lettres nous suivront. Nous aurons, d’ailleurs, avant peu, une adresse fixe. Moi, je reviendrai vers le 15 août pour préparer la reprise de la revue et organiser une dizaine de conférences au Collège libre des sciences sociales sur les « fonctions morales ». Mais que serons-nous dans six mois ? La situation s’aggrave. Jamais, pour notre pays, elle ne fut aussi critique. L’Angleterre est en pleine décomposition parlementaire. La Russie n’est pas sûre. En 24 heures, les Allemands peuvent être chez nous. Nous, il faut une semaine au moins pour être à peu près en état de les recevoir, - à supposer que les bavards qui nous mènent consentent enfin à se taire. Enfin, l’Allemagne peut décider sa guerre plusieurs mois à l’avance. Eussions-nous le même nombre de soldats, et même un nombre supérieur, que notre parlementarisme insensé nous mettrait encore dans un état d’infériorité. Notez, de plus, que l’Allemagne prend en ce moment des mesures – nuisibles à ses intérêts économiques et financiers – qui ne se prennent et ne s’expliquent qu’en vue d’une guerre très prochaine (émission exceptionnelle de coupures en papier, par ex.). Et concluez. Je souhaite de me tromper ; mais je crois que les Français – qui l’ont déjà oublié – réapprendront bientôt ce qu’est une invasion. Peut-être comprendront-ils alors ce que vaut le parlementarisme et le suffrage universel dont ils sont si entichés ! Et peut-être seront-ils mieux disposés à entendre les conseils du bon sens et les enseignements de la politique positive ! Mais y aura t-il encore une France et des Français ? Quoi qu’il en soit, faisons notre tâche. Rien n’est perdu de ce qu’on fait avec cœur. Ah ! si nous pouvions pénétrer le prolétariat, l’arracher aux exploiteurs de son ignorance et de ses vices… Avec de bons baisers pour vos petites, bien affectueusement à vous deux. G. Deherme Je vous répète que vous pouvez toujours m’écrire à Paris. |
1913 | F. LAPREVOTTE - Georges DEHERME, 8 avril. | VOIR | |
1913 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 8 avril. | |
ÉCHOS
La Coopération des Idées Revue bi-mensuelle d’éducation sociale G. Deherme, directeur, à La Seyne (Var) Adresse biffée remplacée par 6, Boulevard de la Madeleine Paris Mon Cher Ravaté, De tels renseignements sont précieux. Puis-je publier cela comme article avec votre signature ? Si non, je le publierai dans la Revue des Opinions. Je ne voudrais pas que cette publication sous votre signature vous nuise. Un mot, je vous prie. Votre petite doit devenir une grande et belle personne. Embrassez là bien pour nous, n’est-ce pas ? Mes respectueuses amitiés à votre femme.
Et bien affectueusement à vous G. Deherme |
1913 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [15 avril 1913]. | |
ÉCHOS
Cher Monsieur, Mais oui, vous pouvez utiliser comme article les réflexions que je vous ai adressées et avec ma signature. Si cela convient. N’ayez aucune crainte de me nuire, je me croirai toujours très honoré de collaborer dans la C. des I. ; elle a trop de tenue, de sincérité, de respect pour que quelqu’un qui aurait de l’autorité sur mon travail et le pain quotidien de la famille prenne de l’ombrage d’y trouver mon nom. D’ailleurs la note parue dans la Revue des Opinions a été reproduite dans le Réveil roannais, organe socialiste nuance modérée et cela par les soins de M. Girod qui n’est pas de la direction de ce journal. Mon ami a eu soin de faire précéder cet articulet des réflexions suivantes : « Nous empruntons de la Coopération des idées l’int.. Cela a donc été de la publicité pour vous. Si à Roanne il y avait un journal respectable depuis longtemps, j’aurais fait l’analyse de quelques un de vos articles et de vos livres mais hélas ces politiciens journalistes exigent trop d’un homme pour qu’on puisse leur tendre la main …. Et puis aussi, je ne flatterai pas leur clientèle. |
1913 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [16 avril 1913]. | |
ÉCHOS
Cher Monsieur, Vous m’excuserez de ne pas vous avoir remercié plus tôt pour l’envoi de votre livre, mais j’attendais la réponse du président de la coopérative pour pouvoir vous annoncer que dans le petit journal de la société, on me laisserait la liberté de l’analyser. C’est donc dire que je ferai tout ce que je pourrai pour engager les coopérateurs à l’acheter et à le lire. Ils ne pourront qu’y gagner. Quand le journal paraîtra, je vous l’adresserai et j’espère bien que je n’aurai pas trahi votre pensée, ni les leçons qui en découlent. Combien vous avez été obligeant de débarbouiller ma prose sur la semaine anglaise à Roanne et vous m’en avez laissé tout le mérite. Encore merci. Notre petite Marguerite croit toujours – la pesée mensuelle l’indique et aussi les progrès de sa petite langue et de ses gestes plus adroits. Elle commence à assembler trois mots à la fois qui en disent bien long et elle coure comme un petit rat. C’est vous dire toutes les joies qu’elle nous procure et que nous nous efforçons de lui rendre. Toutes nos respectueuses amitiés à Madame Deherme. Et bien cordialement. Votre |
1913 | A. HUGON - Georges DEHERME, 14 mai. | VOIR | |
1913 | Georges DEHERME - P. DUBOURG, 22 mai. | | |
1913 | A. HUGON - Georges DEHERME, 22 mai. | VOIR | |
1913 | A. HUGON - Georges DEHERME, 31 mai. | VOIR | |
1913 | Marcel ROUGÉ - Georges DEHERME, 2 juin. | VOIR | |
1913 | Pierre ROBINEAU - Georges DEHERME, 16 juin. | VOIR | |
1913 | Veuve DEHERME - Georges DEHERME, 22 juin. | | |
1913 | P. DUBOURG - Georges DEHERME, 28 juin. | VOIR | |
1913 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 28 juin. | |
ÉCHOS
La Coopération des Idées Revue d’éducation sociale paraissant le 1er et le 16 de chaque mois G. Deherme, directeur Rédaction et Administration 6, Boulevard de la Madeleine – Paris Je vous remercie, mon cher Ravaté, de votre excellent compte-rendu. Être compris avec autant d’intelligence et de cœur est la récompense que je prise le plus. Vous adressant à des travailleurs, peut-être auriez-vous pu insister un peu plus sur les devoirs de la richesse et sur les moyens que le positivisme propose pour que ces devoirs soient remplis effectivement. Certes, il faut chercher à persuader le riche d’abord ; mais il faudra user de la contrainte, si la persuasion, comme il est à craindre, n’est pas suffisante. Dans l’ordre positiviste, le pouvoir spirituel disposera de l’excommunication sociale contre les dirigeants qui ne feront pas leur devoir en cherchant à abuser de leur situation. Et ce sont les femmes et les prolétaires qui seront chargés de la réprobation et du boycottage que comporte cette excommunication. Il est nécessaire de bien préciser ce point pour montrer que le positivisme est tout différent du vague christianisme social qui se borne à faire appel à la bonté, à la conscience du riche, - ce qui a pour effet, le plus souvent, de le mettre à l’abri des légitimes revendications prolétariennes. C’est bien réellement que le patriciat doit être le premier serviteur de tous. Et c’est ainsi que Comte a pu dire que le positivisme réalisait en fait ce qu’il y avait de meilleur dans le communisme sans employer ses chimériques procédés.
Encore une fois merci. Nos amitiés à votre femme, nos meilleurs baisers à votre petite, et à vous, bien cordialement. G Deherme Négligeant les vaines discussions métaphysiques sur la légitimité des possessions, le positivisme ne s’occupera que d’assurer leur meilleur emploi social. Vous pouvez imaginer combien cette action positive pourra être efficace. |
1913 | Georges DEHERME - P. DUBOURG, 30 juin. | VOIR | |
1913 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [juillet 1913]. | VOIR |
ÉCHOS
juillet Cher Monsieur Deherme J'ai bien du contentement de la réapparition pour octobre |
1913 | P. DUBOURG - Georges DEHERME, 2 juillet. | VOIR | |
1913 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 21 juillet. | VOIR | |
1913 | X. - Georges DEHERME, 31 août. | VOIR | |
1913 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 2 septembre. | |
ÉCHOS
Paris, le 2 septembre Mon Cher ami, Je suis bien en retard avec vous. Vous m’excuserez. Depuis neuf mois, je me débats comme un diable pour notre Coopération des Idées et j’ai eu toutes sortes d’ennuis dont un n° spécial que je vais faire paraître ce mois-ci vous fera connaître un des moindres. J’ai eu tout contre moi. Bref je dois renoncer à reprendre la publication de la revue. Il me faut songer- m’étant fortement endetté- à mener une action moins onéreuse. Dès que je serai fixé là-dessus, je ne manquerai point de vous en instruire. Le moment est peu favorable d’ailleurs, et je compte bien avoir quelque jour les recettes suffisantes pour agir. C’est pourquoi je ne voudrais pas cesser toutes relations avec les 500 braves gens qui s’étaient abonnés à la revue. Peut-être leur proposerai-je des « Annales ». C’est-à-dire un volume par an au moins, que je rédigerai seul et qui porterai comme titre générique La Coopération des Idées, annales positivistes. Naturellement, le prix d’abt serait diminué de moitié. Cela ne me coûterait rien puisque l’éditeur ferait les frais de la publication. Au fur et à mesure que mes moyens me le permettraient et que les circonstances l’exigeraient nous [...] les intervalles de publication, et nous pourrions revenir à la revue par cette voie, - en attendant le journal quotidien. Qu’en pensez-vous ? Vous qui vivez parmi les ouvriers, voyez-vous, dans les conditions où je me trouve, un mode d’action plus efficace ? Il y a en ce moment, une évolution fort intéressante dans le syndicalisme. Malheureusement, le parlementarisme qui règne dans les organisations ouvrières l’empêchera d’aboutir, et la démagogie, fatalement, reprendra le dessus. Nous avons reçu avec plaisir votre photographie et celle des mignonnes petites. Nous les avons mises avec celles de tous les êtres que nous aimons particulièrement. Je crois vous avoir envoyé les nôtres, dans le temps, avec celle de notre pauvre petit chimpanzé ; si non, je me ferais un plaisir de vous les faire tenir. Il est bon de se mieux connaître. Je vous renvoie les vœux que vous faites pour la santé de ma femme. Elle n’est pas précisément malade, elle n’a aucune maladie déclarée ; mais, à Paris surtout, elle est prise fréquemment de crises névralgiques qui la font souffrir horriblement. C’est pourquoi nous allons dans le Midi. Nous n’étions venus à Paris que pour lancer la revue, et peut-être allons-nous nous installer en Afrique, - jusqu’à ce que ma présence à Paris soit indispensable. Ma femme est un être d’élite, qui me comprend et est avec moi en tout. D’une petite bourgeoise qui n’avait que des aspirations généreuses mais désordonnées, j’ai fait une vraie positiviste. Nos bien sincères et vives amitiés à Madame Ravaté avec des bons bécots à vos chères petites. Et à vous, bien cordialement. G. Deherme |
1913 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [5 Septembre 1913]. | VOIR |
ÉCHOS
Cher M Je m’empresse de vous dire que nous n’avons pas reçu vos photographies ni celle de votre chimpanzé. Nous aurons beaucoup de plaisir à vous connaître ainsi en attendant mieux [….] vous passiez par la ligne du Bourbonnais et que vous n’ayez pas le temps de vous rendre à Roanne nous serions très heureux d’aller vous voir en train avec nos deux petites. J’ai oublié de vous remercier de la revue que vous m’aviez adressée contenant l’article de [•••] je le fais aujourd’hui pour cela ainsi que pour l’article de l’Action française. (A) Au premier abord quand un Griffuelhes dit que la patrie du prolétaire est là où il gagne de quoi élever sa famille et entretenir ses vieux pour ne pas les envoyer à l’hospice ou chez les petites soeurs des pauvres, cela peut sembler parallèle à la thèse du rentier qui prétend que la patrie est là où sont les bonnes rentes. Mais d’abord il n’y a rien qui crie autant « Vive la patrie » qu’un rentier, ce qui ne les empêche pas de porter son argent chez le banquier qui est sur, alors même qu’il est avéré que celui-ci prête au gouvernement et à l’industrie étrangère. Ces néo-proudhonien affiliés à un nationalisme louche pour son passé et par son attitude pratique actuelle envers nos organisations ouvrières (syndicats, coopération) ne crient autant contre nos chefs incapables que pour détourner nos colères qui iraient à leurs amis avoués qui savent très bien vivre des rentes prélevées sur le travail ouvrier. De quoi vi-vent tous nos nationalistes a le droit de demander un syndicaliste impénitent qui ne croit plus à la vertu des mots. Pour prouver qu’un Griffuelhes a vraiment tors, nos proudhoniens n’auraient qu’à agir de telle sorte que la France soit le pays où la justice est assurée à tous, où le travail pourvoit aux besoins nécessaires de l’ouvrier en peine, ; et lors même que les salaires se-raient moindre qu’à l’étranger les ouvriers feraient vite justice des sophismes de tous leurs Griffuelhes. ….. Oui vous avez bien raison, il y a un changement d’orientation dans la doctrine du syndicalisme. Il y a à cela de nombreuses causes. D’abord la lassitude que ressent le syndiqué en présence de la surenchère ver-bale de ces dernières années, de la baisse de la foi en la valeur de la violence pour solutionner les conflits de la vie et du travail. D’autre part, il y a un tassement doctrinal, une épuration, un choix de formules qui tôt ou tard seront l’expression idéelle du syndicalisme réel. Au début de la rénovation syndicale esquissée par Pel-loutier on a tout confondu : le militarisme, le patrio-tisme, la justice sociale, la société future, les vices du capitalisme, la cruauté, l’égoïsme de ceux qui bénéfi-cient du machinisme, le syndicalisme révolutionnaire paraissait la seule panacée qui devait transformer tout cela. Ainsi tous les assoiffés d’idéal, tous ceux que l’inaction rongeait s’y sont lancés à corps perdus. Les anarchistes surtout, affectés de leur impuissance d’action sur les foules ainsi que de l’insuffisance de leurs groupements – ils croyaient à un antagonisme ir-réductible entre association et anarchisme – et pour-chassés en vertu des lois scélérates, ils ont trouvé dans le syndicalisme un bouclier contre le jugement correc-tionnel en même temps qu’ils ont pu satisfaire leur be-soin de propagande ; ces anarchistes qui avaient ap-porté dans le syndicalisme leur fougue, leur tempéra-ment et leurs doctrines ? involontairement pour les be-soins de la cause se voient à l’heure actuelle démas-qués et remis au second plan. En outre, j’ajoute que le mot d’ordre émané des loges et incitant à pénétrer dans les groupements de tous ordres établis par la classe ouvrière … faire prévaloir des idées qui leur as-surent une certaine autorité sur le prolétariat. Comme condition secondaire de ce changement, il faut noter qu’en France, on a vu surgir une recrudes-cence de l’esprit guerrier et qui se …il perd de sa force dans l’esprit de l’ouvrier syndiqué. Mais il ne faut pas s’y tromper, cette évolution qui se dessine n’apportera pas l’absolution à tous ceux qui emploient les mots de vertu, de tradition, d’honneur du travail, de patrie, d’humanité. La patrie des intrigants, des profiteurs, la tradition prêchée par les nationalistes n’est pas celle du prolétariat qui se ressaisit. Elle est autre et contre eux. La lutte se fera d’abord contre les défenseurs actuels du patriotisme, dela tradition, de la religion ; ils ont tellement trafiqué et joui sous le cou-vert de ces grandes réalités collectives qui nous agrè-gent et nous dominent ; ils en ont tellement abusé pour faire …privilégiés et à seule fin d’escamoter leurs obli-gations qu’ils paieront les premiers. Ils paieront dou-blement d’abord pour avoir abusé de nos ignorances, ensuite pour nous avoir fait haïr ce qui nous importait le plus au monde. Malheureusement, j’ai bien peur que beaucoup d’honnêtes gens parmi ceux-là subissent des châtiments immérités – parce que de ce monde. Ce Hervé que j’abomine pour d’autres raisons que celles des syndicaliste a bien senti le vent. C’est chez lui que je trouve la preuve topique de la nouveauté qui s’élabore dans les milieux syndicaux qu’il a fréquenté et auxquels il a fourni un vocabulaire. Il a bien vu que l’antimilitarisme, le drapeau .. ; la violence conduisaient les troupeaux prolétariens dans une impasse et à la faillite. Pour les pseudo-proudhoniens, les messieurs de l’Action française, les Griffuelhes, les Hervé ne s’y trompent pas ? Ce sera avec leurs mots et les réalités qu’ils recouvrent et contre ceux que l’orientation nou-velle se produira. C’est à ce moment que la Coopéra-tion des Idées aurait toute sa valeur éducative pour les quelques prolétaires qui la suivraient. Elle est une des formes de ces fonctions morales que vous devez exa-miner, qui ont une si grande importance dans nos so-ciétés modernes où le système nerveux est si dévelop-pé. Les fonctions morales deviennent prédominantes là, précisément, où la cérébralité se développe, ce qui se produit actuellement dans la classe ouvrière qui jusque- là n’en avait eu ni le temps ni le besoin. L’humanité a eu et aura toujours besoin de directeurs de conscience, c’est à cela que s’ajuste le rôle du confesseur, du psychiatre, du pouvoir spirituel dont la Coop des I. est une forme. Vous voyez avec quelle importance j’attends le volume qui contiendra les leçons que vous devez faire à l’Ecole des Hautes études sociales. Et c’est encore pourquoi je ne crois pas que la Coop. annuelle soit efficace. Le contact entre vous et le public que vous voulez atteindre sera trop rare. Le rôle d’une revue d’éducation sociale est de contrôler les faits saillants du moment aux principes éternels qui sont le fondement de toute société, c’est appliquer ceux-ci à la vie journalière de façon qu’elle cultive le cœur et l’esprit et étende son emprise sur un plus grand nombre d’hommes. Evidemment il vaut mieux une fois l’an que jamais mais n’est-il pas possible de trouver parmi vos cinq cent abonnés une bonne centaine qui juge votre œuvre utile et cotisent 10 à 15 francs par an, de telle façon que vous puissiez prendre contact, aussi souvent que possible, au moins six fois l’an, et plus suivant certaines circonstances, avec ceux qui sentent toute la valeur du positivisme adapté, vulgarisé, répandu dans notre époque trouble. En tout cas je suis de ceux-là. Il n’en reste plus que 99 à trouver. Est-ce possible ? Avec les bons baisers de nos fillettes, recevez nos bonnes amitiés pour vous et madame Deherme
Signature (A) Je vous envoie un article fait à propos du livre de Daniel Halévy consacré à Proudhon. Je le revendique comme étant un des nôtre, comme un prolétaire qui n’a rien de commun avec la doctrine de ces néo-proudhoniens qui voudraient accaparer ce grand esprit et combattre, en son nom, notre syndicalisme et notre action défensive contre un esclavage industriel qui nous déracine du milieu familial et social. |
1913 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 18 septembre. | |
ÉCHOS
18 septembre Mon Cher ami, Je n’ai rien de nouveau à vous annoncer. Il faut attendre. Quand je reprendrai la revue, -et ce sera bientôt je l’espère-, c’est que j’aurai assuré sa publication régulière et surtout son action efficace par une large diffusion. Mon collaborateur Anselin termine en ce moment un résumé de l’Appel aux conservateurs qui sera très utile. Griffuelhes valait mieux que ce que le milieu dé-magogique l’a fait. C’est bien fâcheux. Le prolétariat se décapite, soit par ses suspicions (qui ont souvent pour mobile l’envie), soit par ses adulations. Hervé est aussi un honnête ; mais un produit de l’Université, c’est-à-dire un esprit faux, exaspéré par la fatuité sorbonnienne. Ce sont ceux qui font le plus de mal. La Coopération des Idées saura s’adapter aux con-ditions de l’action qu’exigeront les circonstances. Revue philosophique en ce moment, et s’adressant à une élite, elle se transformera en un journal populaire dès lors qu’elle aura quelque chance de se faire entendre du peuple ouvrier et paysan. Je suis très touché de l’appui que vous voulez bien m’apporter ; c’est bien de vous. Merci. Ce sont des élans semblables qui vous fait honte d’aller au découra-gement. Et cela est d’un prix qu’aucun argent ne saura payer. Je ne sais pas encore ce que je ferai. J’avais pensé à une vaste entreprise intellectuelle. Il s’en est fallu de très peu que je la mène à bien.Mais cela ne peut man-quer de se retrouver, et avant peu, je l’espère. Ma femme se joint à moi pour vous prier de trans-mettre nos meilleures amitiés à Madame Ravaté et em-brassé vos petites. G. Deherme ; |
1913 | Charles PÉGUY - Jules RAVATÉ, 1er octobre. | VOIR | |
1913 | F. PENTEUX - Georges DEHERME, 2 octobre. | VOIR | |
1913 | Abbé SARTON - Georges DEHERME, 3 octobre. | VOIR | |
1913 | Charles DESCHARS - Georges DEHERME, 4 octobre. | VOIR | |
1913 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 10 octobre. | |
ÉCHOS
10 octobre Mon cher ami, Je suis vraiment touché de votre témoignage. Mais je ne saurais accepter. Je ne sais vraiment pas quand je pourrai reprendre notre publication. Je vous renvoie donc le montant de vos deux mandats, soit 20 fr. Si les amis riches de la C.d.I. avaient eu la générosité de ses amis pauvres, j’aurais pu continuer, mais, hélas ! pour la plupart, tout se passe en belles phrases. Ne les envions pas, ces riches. Si vous saviez comme leur vie est triste et bête ! Je vois cela autour de moi. C’est navrant. Mais comme c’est instructif ! J’ai commencé une étude sur l’argent, - et je ne sais où cela va me mener, tant il y a à dire. J’ai lu avec intérêt votre article sur Proudhon. Vous faites des progrès avant tout, visez toujours à la simplicité, à la clarté et à la concision. Vous pouvez exercer une excellente influence. Je vous félicite aussi de votre tentative d’U.P. Je regrette seulement que vous n’ayez pas un local à vous, qui serait ouvert tous les soirs, sinon pour des conférences, du moins pour la lecture, les jeux, la conversation. N’oubliez pas que la conférence ne doit être que le prétexte. Si vous aviez des frais pour ce local ou pour toute autre propagande, ma femme et moi nous nous engageons à y contribuer pour 25 fr. par an chacun. Je pourrais aussi vous envoyez des livres. N’hésitez donc pas, dès que vous en aurez besoin, à nous le dire. Attirez les femmes. Je n’oublierai pas d’envoyer des n°s et brochures à M. Vaissière. M. Daniel Halévy a été un de mes premiers collaborateurs ; mais, par la suite, il s’est rangé plutôt du côté de ceux qui ont ruiné l’U.P. que du mien. Il avait par là ses attaches de sang et de classe. Il a toujours été correct, d’ailleurs, et je n’ai pas à lui reprocher les rancoeurs dont m’ont abreuvé quelques-uns de ses amis. Vous pouvez donc l’employer sans arrière-pensée. Nous avons été tout attristé d’apprendre que votre petite Georgette n’était pas bien. Que de soucis pour la mère ! Aimez-vous bien dans vos petits. C’est tout le bonheur et que seuls les prolétaires peuvent connaître pleinement. Les enfants pauvres aussi, quand ils ont de bons parents comme vous, sont les plus heureux. Ma femme se joint à moi pour vous prier de faire part à Mme Ravaté de notre vive sympathie. G.. Deherme |
1913 | Émile BLANCHARD - Georges DEHERME, 15 octobre. | VOIR | |
1913 | Charles DESCHARS - Georges DEHERME, 22 octobre. | VOIR | |
1913 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [novembre 1913]. | VOIR | |
1913 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 29 novembre. | |
ÉCHOS
La Coopération des Idées Revue d’éducation sociale paraissant le 1er et le 16 de chaque mois G. Deherme, directeur Rédaction et Administration 6, Boulevard de la Madeleine – Paris 29 novembre 1913 Mon Cher ami, Nous avons parlé de votre lettre avec Baumann, et celui-ci a eu l’idée, aussitôt, de faire un article commémoratif sur chacune des grandes figures du calendrier positiviste. Tout en trouvant l’idée excellente, je lui ai fait remarquer les difficultés d’exécution, -et aussi les nécessités de notre action. Notre revue ne peut être une publication de culture positiviste. Nous nous adressons à un public très mêlé. Il y a des catholiques, des révolutionnaires, des indifférents, des intellectualistes, des mondains, etc… Il s’agit, pour nous, de les diriger dans un sens social, de les amener à sympathiser avec le positivisme, de nous assurer leur concours. J’ai bien conscience de notre insuffisance pour satisfaire aux besoins de sentiment. Aussi, j’avais l’intention, dès cet hiver, d’ouvrir un véritable salon positiviste. Certaines circonstances m’ont fait différer la réalisation de ce projet. Mais, partout où il y a un positiviste, un tel salon devrait s’ouvrir, sous la présidence d’une femme. C’est là que, peu à peu, s’organisera la religion régénératrice. Il faut une fusion. Les écrits, même les paroles, ne peuvent rendre les élans du cœur. Je vous engage fort, si vous le pouvez, à essayer de faire cela. Au fond, c’est ce que je me proposais avec les U.P. Mais les pédants en ont fait des écoles ridicules, et les politiciens des pétaudières équivoques. Il faut les reprendre. Et cette fois, en sachant où l’on va. Je retiens votre amicale critique et je m’efforcerai de plus en plus d’animer notre revue. Merci pour l’analyse de l’article de Manouvrier. Voici une coupure qui vous concerne et une lettre du trésorier du syndicat des ouvriers métallurgistes de Fumel qui vous intéresse. Cet ouvrier a fait abonner son directeur et son ingénieur à la C.d.I. Il a suivi la même évolution que vous. Soignez-vous bien, mon cher Ravaté. J’espère que vous m’apprendrez bientôt que vous êtes debout. En tout cas, n’oubliez pas, en quelque circonstance que ce soit, que vous avez ici de vrais amis, vous, votre femme et vos deux chérubins. Vous parlez de l’Union pour l’action morale. C’est maintenant l’Union pour la Vérité. Cela n’est plus intéressant. La métaphysique universitaire s’y déploie dans tout son filandreux bavardage. Bien à vous de cœur. G. Deherme |
1913 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 9 décembre. | VOIR |
ÉCHOS
Riorgues le 9 décembre 1913 Chère Madame et cher Monsieur Deherme Nous ne saurions trop vous remercier.... |
1913 | Charles DESCHARS - Georges DEHERME, 26 décembre. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - X. s.d. [1914)]. | VOIR | |
1914 | Claude STREET - Georges DEHERME, s.d. [1914)]. | VOIR | |
1914 | E. de LAS CASES - Georges DEHERME, s.d. [1914)]. | VOIR | |
1914 | Docteur BARNAY - Georges DEHERME, s.d. [1914)]. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Pierre MONATTE, s.d. [1914)]. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [1914)]. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [1914 -1]. | |
ÉCHOS
Cher Monsieur Je vous remercie de l’envoi de votre brochure |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [1914)]. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [Janvier 1914]. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [2 janvier 1914]. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 3 janvier. | |
ÉCHOS
3 janvier 1914 Mon cher ami, Tous nos vœux bien sincères pour vous et les vôtres. Et d’abord pour votre santé, - si précieuse à celui dont d’autres êtres dépendent. À votre état, autant que j’en puisse juger, il faut, plus encore que des soins physiques, une sévère hygiène morale et intellectuelle. Et là-dessus, vous en savez plus que les médecins. J’avais lu dans les journaux qu’il y avait quelque agitation à Roanne ; mais vos renseignements précis mettent les choses au point. Dans le conflit qui menace d’éclater, vous pouvez jouer un rôle médiateur très utile. C’est toujours cette action spirituelle que les positivistes doivent exercer. Par là, ils sauront se faire apprécier. Le patronat est au-dessous de tout, - et pas seulement à Roanne. Quelle force aurait le prolétariat s’il savait s’organiser. Et s’organiser, c’est d’abord se donner une tête et un cœur. Le gâchis est partout. Et ce que vous prévoyez pour d’ici une dizaine d’années à Roanne, dans votre métier, nous devons le prévoir en France, pour tout. Il n’y a plus de concours que forcé, il n’y a plus qu’un jeu incohérent de forces chaotiques. La société est virtuellement dissoute, le gouvernement n’est qu’une apparence. L’argent seul parvient à déterminer les activités matérielles indispensables ; mais l’argent se mange lui-même, comme la Bête fabuleuse. C’est ce que nous montre en ce moment les stupides patrons de Roanne, - qui ne méritent certes pas ce beau nom de « patron ». Je mets la dernière main à mon livre sur la Femme et les deux pouvoirs, qui pourra paraître en avril, s’il plaît à Messieurs les éditeurs. Tout autre moyen de publication m’est interdit. Mes articles sont refusés partout. Mon collaborateur Anselin-Dessaint publiera en même temps un Appel aux conservateurs d’après Comte. Baumann achève une suite à sa religion positive. Quant à la revue, je ne sais pas encore quand je pourrai la reprendre. Il me faudrait 20000 fr. pour en assurer la publication régulière, et je ne les ai pas, et je ne les trouve pas sans conditions. C’est ce qu’on appelle la liberté de la presse. En vérité, nos descendants ne pourront imaginer ce que nous entendons par liberté, ou ils jugeront que nous étions fou à lier. Après la publication de mon livre, si je n’entrevois pas encore la possibilité de reprendre la revue, je tâcherai de m’adresser à un plus grand public en prenant une forme moins lourde, moins encombrée de faits, de statistiques et de témoignages, plus littéraire, moins rébarbative en un mot. Malgré toutes les prétentions à l’intellectualisme, il y a de moins en moins de lecteurs sérieux. Il faut compter avec cela. Nous sommes très heureux d’avoir pu faire quelque plaisir à vos chères petites. Nos meilleures amitiés à Madame Ravaté ». A vous de tout cœur G. Deherme. |
1914 | Lucienne ROUGÉ - Georges DEHERME, 22 janvier. | VOIR |
ÉCHOS
Lettre de Lucienne Rougé (nièce) (1890-...) à Georges Deherme. |
1914 | A. ROGÉ - Georges DEHERME, 27 février. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [28 Février 1914]. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [mars 1914]. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [1er Mars 1914]. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 4 mars. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 13 mars. | |
ÉCHOS
13 mars 1914 Mon Cher Ami, Ma femme est très sensible à votre intention sympathique à tous deux. Vous savez que je ne le suis pas moins. Elle a surtout été affectée par la mort de son grand-père. Fehmi s’est bien gardé de me faire connaître sa dernière élucubration. Voulez-vous me la prêter ? Je vous la renverrai le lendemain. J’espère qu’il n’a pas renouvelé son petit trafic postal et qu’il ne me l’a pas envoyée « contre-remboursement ». Par contre, il a essayé de faire son petit Vulliaud. Mais laissons ce pauvre être, qu’aucun positiviste à Paris ne reçoit plus et que ses compatriotes suspectent. Il y a M. Teixera Mendès, me direz-vous. Du Brésil, avec de l’imagination, Fehmi, lui-même peut paraître joli. L’histoire du positivisme au Brésil est fort curieuse. Elle serait à faire connaître. Je tâcherai de décider un des Brésiliens que je connais à Paris de l’écrire. Il y a de belles figures parmi ces brésiliens. J’ai vu M. Féliciano, ancien directeur de l’Ecole normale supérieure de Sao Paulo, qui est un apôtre sincère. Ma femme s’est liée d’amitié avec sa fille adoptive, qui est fort remarquable à tous égards. Naturellement, Féliciano, comme tous les Brésiliens avec qui je suis en relations a été excommunié par M. Mendès, - qui a cette manie. Le positivisme devait avoir les plus destinées au Brésil. Vous savez que M. Benjamin Constant, un positiviste, joua un rôle décisif dans la révolution de 1883. Par lui et ses amis, quelques uns des principes essentiels du positivisme inspirèrent la constitution nouvelle. Les positivistes eussent pu, dès lors, avoir une activité considérable. Comme toujours, les hommes furent insuffisants, la sottise de MM. Lemos( ?) et Mendès ne tardèrent point à indisposer tout le monde contre une doctrine qui se propose avant tout de propager la sympathie universelle. On maudit ces hommes très intelligents. Tous leurs actes et paroles furent là contre. C’est que l’on confond le savoir, l’habileté de la dialectique ou l’éloquence pour de l’intelligence. L’intelligence, d’abord, c’est de comprendre. Ce sont de redoutables niais. Vous avez raison en ce qui concerne les vers de Clotilde. Ils sont moins que médiocres. Il n’en est pas de même de sa nouvelle, Lucie, qui a de la valeur et dont quelques pensées sont à retenir. Le neveu de Clotilde que j’ai vu dernièrement doit publier un roman d’elle resté inédit. Pour le culte positiviste, il faut attendre. La parodie brésilienne, en effet, est ridicule le plus souvent. Il y a aussi une église du même genre en Angleterre, mais dont le pastiche est plutôt protestant. Toutefois il faut tenir compte que les étrangers, en général, n’ont pas le sens du ridicule que les Français ont acquis au cours des siècles de civilisation raffinée. Il faut voyager pour s’en rendre compte. Le tact, la mesure sont français. Le culte positiviste, certes, s’inspirera du culte catholique, comme celui-ci s’est inspiré du paganisme ; mais ce sont les circonstances, les besoins nouveaux des âmes régénérées qui le feront surgir. Les femmes auront une grande part dans cette création. Il faut considérer toutes les indications de Comte là-dessus comme un exemple de ce qui pourrait être, non comme des prescriptions formelles. Mon livre a changé de titre, ainsi en a décidé l’éditeur, - en l’amputant de la partie inédite concernant la puissance matérielle, c’est-à-dire l’Argent et le nombre. Ce sera donc la Puissance sociale des femmes que vous connaissez par les articles de la Coopération. La copie est chez l’imprimeur. J’attends les premières épreuves. J’espère que le livre paraîtra en avril avec celui de Dessaint (Rémy Anselin) sur la Mission des conservateurs républicains, d’après l’Appel aux conserva-teurs d’A. Comte. Pour l’Argent et le nombre, je tiens à publier cette étude. Je vais la proposer à Bloud. Cela pourra faire un volume de 150 pages. Je publierai alors un n° de la Coopération des Idées pour qu’on ne nous oublie pas et pour montrer que nous ne nous lassons pas. Cela servira en même temps à faire quelque publicité pour les derniers ouvrages positivistes. Si vous avez des adresses à me communiquer, n’y manquez pas. J’ai d’autre part commencé un travail qui pourra être fini en août et paraîtra en octobre. Cette fois, j’essaye d’atteindre le grand public des livres, en présentant nos idées sous une forme plus légère, moins rébarbative. Mes livres, en général, ont seulement 1000 à 1500 lecteurs, - les Classes moyennes n’en ont eux-mêmes que 700. Je voudrais élargir ce cercle. Pour la reprise régulière de la Revue, ce n’est pas le moment pour toutes sortes de raisons, dont la principale est que nous sommes à la veille d’évènements formidables. L’action restreinte qu’elle exerçait, nos livres l’exercent. Pour toucher le prolétariat, il faudrait une autre forme, une plus diffusion, - le journal ou le pamphlet hebdomadaire à tout le moins. Quand le moment sera venu de donner et sa peau, je crois que je serai prêt. Mais je n’ai plus l’emballement de la jeunesse. Je ne payerai de ma personne que pour des résultats certains. Je confonds de moins en moins l’agitation et l’action. Ma conviction solide, c’est qu’il n’y a rien à faire directement aujourd’hui. Nous en sommes aux fondations de sous-sol. Sur le sol, c’est le tango qui règne, tout le chahut des choses, des idées et des institutions. Toute tentation de bâtir dans ce chaos est vouée à l’échec et à la division. Vous pouvez le voir par l’action syndicale ou coopérative. Je suis sur que vous même vous ne vous efforcez plus que d’éveiller des cerveaux et de réchauffer quelques cœurs susceptibles encore d’être influencé par l’esprit positif. Savez-vous à quoi nous pensons, ma femme et moi ? Ce serait, si nous en avions les moyens, de nous retirer à la campagne, d’adopter dix, quinze, vingt petits abandonnés ou orphelins, - autant que nous le pourrions. De les élever pour en faire de vrais chefs du prolétariat. Bien entendu, nous choisirions. Nous ne prendrions que des êtres sains, normaux et plus particulièrement intelligents. Nous ne les abrutirions pas par l’étude. Nous leur ferions des poumons au grand air, du cerveau, du cœur. Après leur avoir inculqué des clartés de tout, nous leur apprendrions un bon métier et les lancerions dans la vie, - dans le devoir. Je me demande si cette action vivante ne vaudrait pas mieux que de rabâcher sempiternellement des formules que personne ne veut entendre. Qu’en pensez-vous ? Nous embrassons de tout cœur vos chères petites en vous priant de transmettre nos meilleures amitiés à Madame Ravaté. Bien à vous Signature |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 22 mars. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 24 mars. | |
ÉCHOS
24 mars Mon Cher Ami, Je vous ai renvoyé vos brochures. Pour Lomos[...], vous savez ce que j’en pense. Quant au Fehmi, il faut le laisser. Je tenais surtout à ce que nos lecteurs ne pussent soupçonner que je favorisais d’une manière quelconque ses petites entreprises. Au premier assaut qui fut livré contre le gênant fondateur-directeur de l’U.P., en 1900, Urbain Gohier, déjà, reproduisit quelques pas-sages d’un article publié par une petite revue, qui eut deux n°s, et dont je ne suis pas fier. Mais il oublia habilement de donner la date de cette publication : 1884… J’avais 17 ans… En 1886, je fis paraître une autre revue, l’Autonomie individuelle. Et notre individualisme, tout proudhonien, était déjà imprégné de spencérisme. Enfin, pour ce qui est de mon alliance avec la juiverie, il faut aussi que vous sachiez qu’il n’en est rien. La famille de ma femme, par les Morris comme par les Dugué, ne touche d’aucune manière à Israel. D’origine ouvrière, comme moi, par les Morris, elle est de noblesse de robe par les Dugué, - et bien française. À l’ordinaire, je laisse passer toutes ces insinuations. Mais je veux que mes amis me connaissent bien. De plus en plus, je ne crois pas que la situation présente soit favorable à la reprise de la Coopération des Idées. Il faut attendre. Mais les livres, les brochures de circonstance peuvent pénétrer aussi bien et même mieux. Vous lirez le petit livre de Desaint que je vous enverrai. Nous le distribuerons dans les milieux conservateurs. Car je pourrai maintenant, plus facilement, faire cette propagande. Les frais de la revue absorbaient plus que mes ressources. J’ai pensé que nous pourrions aussi publier nu n° spécial ou une brochure, pour attirer l’attention des ouvriers sur le positivisme, et leur montrer que ce n’est pas là une philosophie bourgeoise. Vous seul pourriez l’écrire. Pourquoi ne vous y mettriez vous pas ? Prenez votre temps, inspirez vous de tout ce que Comte dit du prolétariat, mettez-y tout votre cœur, - et ce sera très bien. Cette brochure devra être répandue dans tous les groupements populaires. Et de cela, je me chargerai. Le positivisme doit se faire accessible au prolétariat. Si cette tentative réussit, je veux dire si les premiers résultats nous encouragent, on ne s’en tiendra pas là. Du jour où il aura deux ou trois ouvriers positivistes dans chaque Bourse du travail, coopératives ou syndicat, les meneurs phraseurs n’en mèneront pas large. Il y aura quelque chose de changé en France. Bien à vous deux, de tout cœur, avec de gros baisers pour vos chères petites. Signature. Tournez la page. Je reçois votre lettre. C’est très curieux. Je viens d’écrire pour une revue spéciale, qui me l’avait demandé, un article sur la Méthode expérimentale en biologie, d’après A. Comte. J’ai même proposé, un article de 20 pages étant insuffisant d’écrire un petit livre là-dessus, si la Ligue contre la vivisection y trouvait quelque intérêt. La revue s’appelle L’antivivisection. Je regrette bien que mon ami A. Giard soit mort. Il vous eut donné, mieux que moi, d’excellents conseils. C’était un terrible matérialiste, mais un grand savant et une belle conscience. Je ne désespérais pas de l’amener au positivisme. Il déplorait déjà la légèreté écrivailleuse de son élève Le Dantec. Il avait été un des premiers députés socialistes ; mais il était bien revenu de la politicaillerie. En tout cas, je vous trouverai quelqu’un de compétent pour lire votre travail, et moi-même, dans la mesure de ma compétence, je vous dirai franchement ce que j’en pense. Je vous ferai tenir, dès demain, quelques documents. Prenez tout votre temps pour en prendre connaissance. Je n’en ai pas besoin pour le moment. D’après ce que je vous écrit, avant d’avoir votre lettre, vous pensez bien que j’ai quelque déception en apprenant la voie dans laquelle vous vous engagez. Il me semble que vous étiez appelé à devenir un directeur du prolétariat. Mais j’espère que vous ne me refuserez pas d’entreprendre le travail dont je vous parle. C’est cette question des chefs populaires qui me préoccupe, et c’est pourquoi j’ai pensé à recueillir quelques enfants –choisis- pour en préparer. Vos observations sont justes. Mais ce ne serait pas assez d’un type, et en le prenant en trop bas âge, nous n’aurions pas le temps de mener notre œuvre à bien. J’ai 47 ans et ma femme 42. Et, en toutes conjonctures, nous ne pourrions pas commencer avant trois ans… Sans doute, il ne faut pas exagérer, comme les matérialistes, la fatalité héréditaire. Mais ce serait tout aussi excessif de n’en pas tenir compte. Si le moral agit sur le physique, le physique ne laisse pas d’agir sur le moral. Il est des maladies qui se transmettent, la syphilis, par exemple. Tant que les circonstances seront peu favorables, le livre, la brochure, peuvent remplacer la publication périodique, - qui a le grave inconvénient d’absorber toutes mes ressources et mon activité. Pris note des adresses. Merci. Je lirai avec plaisir votre article sur la méthode Taylor comme j’ai lu celui sur le travail… des boulangers. Je lis toujours la Voix du Peuple et quelquefois la Bataille syndicaliste. On y retrouve les procédés journalistiques de la presse bourgeoise. C’est bien fâcheux. Les meneurs syndicalistes sont au-dessous de tout. Quelle place à prendre ! Voilà une bien longue lettre. C’est du repos que je vous prends Excusez-moi. Signature. |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 3 avril. | |
ÉCHOS
3 avril 1914 Mon Cher Ami, Nous avons lu avec grand plaisir votre substantiel article de la Vie ouvrière. Voilà, en le retouchant très peu, un chapitre excellent du petit livre de propagande que, plus que jamais, je vous engage à écrire à vos moments perdus. Ce petit livre que nous répandrions largement pourrait avoir une grande influence sur le mouvement ouvrier. Pensez-y. Le plus extraordinaire, c’est que la Vie ouvrière ait publié votre article, et en tête encore ! Y aurait-il quelque chose de changé dans la triste mentalité des meneurs syndicalistes ? Croyez-vous que cette tendance doive être encouragée par mon abonnement ? Si oui, vous pouvez à la première occasion, l’annoncer à P. Monatte, en faisant partir cet abt annuel du 1er mars. J’apprends que la situation de l’industrie roannaise devient critique. Tenez-moi au courant. La Grande revue se décide à publier une minime partie de mon étude sur l’argent (n° du 10 avril). Je ne vous l’enverrai pas, car vous pourrez le lire entièrement dans le 2e livre que je ferai paraître et dont je n’ai pas encore trouvé l’éditeur. Nos bons baisers à vos petites, nos affectueuses pensées à votre femme et, à vous, toutes nos amitiés. Signature |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 5 avril. | VOIR | |
1914 | HILLEMAND - Jules RAVATÉ, s.d. [10 Avril 1914]. | |
ÉCHOS
Cher Monsieur Je suis confus des dérangements dont je suis cause à propos de mon désir de lire votre étude sur Auguste Comte comme biologiste ; je suis profondément tou-ché, aussi, de constater l’effort fait par mademoiselle Hillemand pour me faire lire les pages manquantes de la fin. Dès que j’aurai lu votre étude je vous la retour-nerai. Acceptez les remerciements d’un homme de bonne volonté. Monsieur Deherme, auquel je dois tant déjà, a ainsi accru ma reconnaissance pour ses bons offices à mon égard. Je suis très heureux de votre acceptation de vouloir lire mon étude sur la défense des êtres vivants. J’ai voulu résumer, tant pour moi que pour quelques cama-rades de travail, les quelques lectures et expériences que j’ai pu faire sur la biologie, ce sujet est en quelque sorte le pont-aux-ânes des apprentis biologistes et m’ouvre la voie pour un sujet connexe « Le rôle et la signification de la reproduction et de la sexualité ». Or comme j’ai en train et en tête quelques expériences sur cet immense domaine de la biologie et que ne suis au courant de presque rien, je risque fort d’enfoncer une porte ouverte ou d’aboutir à une impasse ; aussi j’attache une grande importance aux conseils et aux critiques que vous voudrez bien m’adresser. Ceux qui ont fréquenté les universités ont un maître ou des ca-marades pour les guider et les conseiller. Or comme je ne puis compter que sur moi-même, je suis le premier à reconnaître que cela ne suffit pas. Avec mes meilleurs remerciements , je vous prie d’agréer Monsieur mes respectueuses salutations. Signature |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 11 avril. | |
ÉCHOS
11 avril 1914 Mon Cher Ami, Je n’ai pas les n°s de la Revue occidentale que vous m’aviez demandé. Aussi me suis-je adressé au Dr Hillemand, qui, parmi les positivistes officiels, est un des plus complets. Voici sa réponse. On n’est pas plus aimable. Il s’offre aussi à prendre connaissance de votre travail. Et maintenant, laissez-moi vous mettre en garde contre le « scientisme ». J’ai passé par là comme par l’anarchisme, aussitôt après, et je puis en parler. De vous même, vous en reviendrez ; mais mon expérience peut précipiter la vôtre. Dans la science, il y a le particulier et le général. Ce qui est du général ne change pas de 1897 à 1914, ni même de 1880, ni même de 1840, ni même de l’an 1. Pour ce qui est du particulier, ce n’est pas la même chose, il est vrai ; mais ce ne sont que des matériaux et non la science. Voyez ce que Comte dit des savants académiques et universitaires. Ce sont eux qui ont spécialisé à outrance pour mieux tout confondre. Pour eux, il s’agit de faire toujours du nouveau, pour se signaler, et conquérir, avec la renommée, les titres, les places et l’argent. Ne prenez donc pas de soi-disant biologistes qui se remuent pour la biologie elle-même. Celle-ci n’a pas changé depuis Comte, et elle ne changera pas. S’il n’en était pas ainsi, nous deviendrions tous fous. Laissez dire ceux qui prétendent que Comte n’est plus au point. On le disait déjà, en 1860, quand l’évolutionnisme, le transformisme ont commencé d’être à la mode ; on le disait encore, vers 1875, quand la psycho-physiologie fleurissait au Collège de France ; on le répétait insolemment, dans les environs de 1890, quand la vogue était aux microbes, aux sérums… Eh bien ! on en est revenu, sur tout cela et sur bien d’autres points, - et avec Comte. Vous lirez, quand il paraîtra, mon article sur la vivisection, -et ce sera un exemple de plus. Les discussions actuelles des biologistes sur l’hérédité frisent la pire métaphysique. Vos observations sur l’hérédité de la syphilis sont des plus ingénieuses. Ne vous contentez pas de cette ingéniosité là. Nous pouvons et nous devons la considérer comme héréditaire parce qu’à coup sûr elle est congénitale et que les soins qu’elle demande, les dangers dont elle menace les descendants sont ceux d’une maladie héréditaire. Tenons-nous aux faits qui peuvent nous servir et améliorer l’espèce ou son milieu. Voilà le bon sens positiviste ! Le reste n’est que jonglerie de pédants. Pour la tuberculose qui n’est pas congénitale, il n’en est pas de même. Là, on peut séparer l’enfant des parents ou éviter la contagion par des mesures hygiéniques. L’esprit positif Ce n’est pas à dire que vos courageuses études seront inutiles. Vous devez faire le travail que vous avez projeté. Il n’est pas de meilleur moyen de rassembler et de coordonner ses pensées. Mais vous irez plus loin. Je ne vous proposais pas précisément, exclusivement, de vous mêler à l’agitation ouvrière. Il y a un autre rôle à remplir. Celui d’un chef spirituel, d’un inspirateur, d’un éducateur, d’un formateur d’élite prolétarienne. Aucun journal ne donne de nouvelle sur la crise que traverse votre industrie. Et les Français croient être renseignés ! Je vous en prie, tenez-moi au courant. Peut-être y aurait-il à faire connaître cette situation. Pensez-vous que cela puisse être utile aux ouvriers que cette crise soit étudiée sur place et dénoncée dans quelque grand journal ou revue ? Il ne sera plus temps quand la grève aura éclaté. La Bataille syndicaliste touche dans les pires procédés de la presse la plus corrompue. Il faut une doctrine au prolétariat. Le positivisme seul peut lui en donner une. J’en reviens à la syphilis héréditaire. Le vrai savant, qui est toujours modeste, ne dit pas « ceci est ceci et non cela », - il ne le sait pas et ne le saura jamais. Il est d’un esprit relativiste, c’est-à-dire positiviste, et il dira donc : « ceci se passe comme si c’était ceci et non cela ». La syphilis agit sur la descendance comme si elle était héréditaire ; la tuberculose agit (car on a contesté qu ‘elle fut contagieuse) comme si elle était con-tagieuse. Le reste est byzantinisme. Nous espérons que la fièvre de Georgette est passée. Nous l’embrassons bien fort ainsi que Riritte, - avec notre meilleure pensée pour votre chère femme. Bien à vous Signature Je vous ai expédié hier les derniers n° de la Revue positiviste et Revue occidentale. Mon ami le Dr Fiessinger, qui est un grand savant et l’un des premiers praticiens de Paris, me disait ces jours-ci que, depuis 30 ans, la médecine mentale n’avait pas avancé d’un iota, le souci des manitous étant surtout de bouleverser le vocabulaire de la psy-chiatrie. |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [13 avril 1914]. | |
ÉCHOS
Ce que vous me dites de la Bataille syndicaliste ne me surprend guère, mais comme je ne lis presque jamais les journaux, j’ignore toujours ce qui se passe. Je me doute bien [….] Cherche avant tout à vivre, même si cela conduit à flatter les vices de la clientèle. Les chefs étant sous la sujétion de la foule n’ont pas la volonté d’aboutir à quelque chose de grand qui les dépasse. J’ai si peu de sympathie pour la presse quotidienne que je ne la lis que lorsque j’ai la tête malade, pour m’aider à dormir. La fièvre de Georgette n’a duré que quatre jours, les oreilles ont légèrement suppuré et depuis, avec un petit doigt, elle nous montre qu’il y a eu du bobo, ainsi que dans son nez. Elle est pâlote et plutôt faible pour son âge, elle pèse 1500 grammes de moins que Ririte à son âge. Son poids net -vêtements enlevés- est de 8kg 500. Sa dentition cependant est normale, la pauvre maman …? Recevez pour vous et madame Deherme les meilleurs baisers de Georgette et Ririte, et de notre part nos bonnes amitiés. |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 19 avril. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [20 avril 1914]. | VOIR |
ÉCHOS
Cher Monsieur, Je suis confus des dérangements dont j’ai été cause à propos des numéros de la Revue occidentale ayant trait à Auguste Comte, biologiste et surtout depuis que je sais le long travail de copie que j’ai fait faire à Mademoiselle Hillemand. Je n’oserai plus rien demander. Je vais écrire à M. le Dr Hillemand pour le remercier de son obligeance ; et de le prier de m’excuser auprès de Mademoiselle Hillemand de lui avoir ainsi diposé de son temps. J’accepterai évidemment que tout l’honneur est pour moi que leur causerie sur la défense des êtres vivants faite à l’ex. U.P. roannaise soit jugée par lui. Elle sera imprimée d’ici une dizaine de jours ; il en a paru un fragment dans Rodumna d’avril. Après lecture de la Grande revue contenant votre article [...] abus de l’argent, je comprends parfaitement que les éditeurs ne se pressent pas d’accepter votre livre ! En prévenant l’ouvrier de ne pas confondre le faste et le luxe, et de ne point croire à la vertu de l’épargne pour se soustraire au joug qui pèse sur lui, vous troublez fortement la base des opérations financières. Quand le bas de laine sera vide, ce n’est pas dans le coffre-fort de la bourgeoisie que les aigrefins puiseront. Je me permettrai cependant de faire remarquer que lorsque l’ouvrier économise ce n’est pas tant pour arriver, ni pour jouir ou paresser, que pour assurer un peu de stabilité à la vie familiale et parer aux changements perpétuels de milieu que l’industrie anarchique occasionne. Le prolétaire ne [...] sent pas installé dans la cité et pour lever son camp et se réadapter à un nouveau milieu, il économise. L’association contre la maladie, le chômage, la vieillesse sont évidemment le remède, mais en attendant que ces associations soient installées et prospères, il faut vivre. Que le pain de demain et le logement soient assurés, et il n’y aurait plus de thésauriseurs dans la classe ouvrière. Et puis actuel-lement la vie est tellement dure qu’il ne faut pas craindre de voir l’économie bien comprise devenir un vice chez l’ouvrier, la vie au jour le jour, comme chez les vagabonds, devient de plus en plus le lot du grand nombre. Vous m’avez demandé s’il serait utile pour les ouvriers que la crise du textile roannais soit étudiée sur place. Je ne sais quoi vous répondre surtout maintenant que la grève est installée. Nous sommes environ deux mille lockoutés et je crois de plus en plus que nous serons dehors jusqu’à fin juillet. Les grévistes sont très calmes, ni cris, ni discours : les rues ont même moins d’animation qu’en période normale et c’est une bonne nouvelle ici. Jusqu’alors les temps de grève, on ne voyait que gendarmes, agents de police, soldats en mouvement de tous côtés ; maintenant rien de tout cela, calme plat. En attendant les hommes émigrent partout : à la campagne, piocher et bêcher ; on cherche dans les tissages des environs combler le vide. Les syndicats cherchent les villes qui demandent des ma-noeuvres et lorsqu’un homme gréviste demandera un secours, la bourse du travail lui fournira un billet de chemin de fer et une adresse ; pendant son absence, sa femme et ses enfants auront droit à la soupe communiste. De temps à autre, on découvre la malhonnêteté patronale durant les trois mois d’essai convenus pour la marche des quatre métiers. Pour augmenter la production, à seule fin de fixer un tarif très bas, ils avaient choisi les plus habiles ouvriers de la place et comme stimulant ils glissaient la pièce de cent sous à quelques uns ou promettaient une bonne place lorsque les essais seraient finis ; pour obtenir ces avantages futurs, les malheureux se surmenaient, ignorant qu’ils lésaient leurs camarades ; c’est une triste mentalité de part et d’autre. |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 29 avril. | |
ÉCHOS
29 avril 1914 Mon Cher Ami, Voici deux lettres que je reçois de vous sans vous avoir encore répondu. Mon excuse, c’est d’avoir été assez gravement malade pendant 10 jours, avec une fièvre qui m’avait très abattu. De plus, j’ai eu à m’occuper du lancement des deux livres que vous avez reçus. Où en êtes-vous à Roanne ? Les journaux n’en disent rien. Je tiens surtout à savoir si votre chômage a pris fin. M. Hillemand m’annonce qu’il vous envoie quelques documents biologiques. De mon côté, vous recevrez aussi quelques papiers qui pourront vous intéresser. M. Hillemand me dit qu’il a bien reçu [...] de Comte biologiste. Je lirai avec plaisir et profit votre travail. Si vous en avez plusieurs exemplaires, passez-m’en trois ou quatre. Ils seront bien placés. Vous pensez bien que mon article de la Grande revue n’est qu’une faible partie du chapitre sur l’Argent. Ainsi tronqué, ceci n’a pas grand sens. C’est pourquoi je ne vous l’ai pas envoyé. C’est en effet sur les petites bourses que la flibuste financière mène ses entreprises. La gestion du capital est un métier qui demande des compétences. Rappelez-vous ce que j’ai dit dans les « classes moyennes ». Les mouvements ouvriers et socialistes actuels sont suspects. L’influence de la juiverie financière s’y fait trop sentie. En lançant les ouvriers contre les chefs d’industrie, on les détourne des financiers. Pour l’épargne, vous avez raison. Moi aussi. Il faut toujours se placer dans le relatif. J’en ai surtout, non aux prévoyants, mais aux thésauriseurs, aux ouvriers aisés qui, gagnant dix ou douze francs par jour, font travailler leur femme. Vous avez, à Paris, des ouvriers qui lisent la Cote et suivent passionnément les cours de la Bourse comme les résultats des courses. Enfin vous lirez mon étude dans son ensemble… quand j’aurai trouvé un éditeur. J’ai été avisé d’un échec encore aujourd’hui, pour une raison qui vous étonnera que je choque les croyances catholiques. La situation des positivistes est bien difficile. Nous pensons bien à votre petite Georgette. N’oubliez pas de nous dire comment elle va. J’imagine que Riorgues est un faubourg de Roanne. Avez-vous bon air ? Et vous ? votre estomac ? Si l’industrie périclite à Roanne, ne pensez vous pas émigrer ? Vous savez que je suis à votre disposition pour vous aider dans tout ce que vous entreprendrez. Toutes nos amitiés à Madame Ravaté, avec nos meilleurs baisers à vos petites, et, à vous, bien cordialement. Signature Ne me renvoyez pas Le Théosophe. |
1914 | Charles DESCHARS - Georges DEHERME, 1er mai. | VOIR | |
1914 | Emile RIGOLAGE - Georges DEHERME, 4 mai. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 4 mai. | |
ÉCHOS
4 mai 1914 Mon Cher ami, J’ai reçu et lu avec un vif intérêt votre étude. Je distribuerai au mieux les six exemplaires que vous m’avez envoyés ensuite, -notamment à mon excellent ami, le Dr Ch. Fiessinger dont vous citez le fils Noël Fiessinger. Mais, en admirant beaucoup votre puissance de travail, dans les conditions défavorables où vous êtes, je ne puis vous engager à persévérer dans cette voie. Vous pouvez être autrement utile ailleurs. Je crois que vous vous faîte beaucoup d’illusion sur la valeur réelle de l’agitation scientiste. Des jeunes gens qui y consacrent tout leur temps, beaucoup d’argent et qui ont à leur disposition de riches laboratoires, n’aboutissent pas à grand-chose. Un fait qui paraît établi est bientôt renversé par un autre, qui ne tardera pas à l’être par un troisième ; les théories les plus spécieuses se succèdent rapidement. Les grands mots en isme et en [...] s’accumulent, l’ignorance reste. Et à poursuivre de pré-tendues vérités insaisissables on perd la notion de vérités positives, qui font vivre. Le véritable esprit positif nous garde de ce matérialisme décevant, et, sommes toutes, un peu puéril. Ce qui manque aux savants, c’est l’esprit scientifique, -c’est-à-dire philosophique. Là encore, je vous renvoie à Comte. Votre travail n’est pas inutile si vous l’avez fait pour vous-même, pour mettre en ordre et bien vous assimiler les connaissances que vous avez acquises. C’est une méthode que j’ai employée dans ma jeunesse, et je m’en suis très bien trouvé. C’est en enseignant qu’on apprend le mieux. Quoiqu’il en soit, votre effort est admirable. Je vois maintenant tout ce qu’on peut attendre de vous. J’ai indiqué la responsabilité pénale de la famille comme un expédient. Mais vous savez que j’attends beaucoup plus des mœurs que des lois. Néanmoins, la responsabilité de la famille, dans une société ordonnée, ne laissera pas d’être très sévère. L’opinion publique pourra être plus dure que le magistrat. Vos objections ne tiennent pas devant l’exemple séculaire que nous offre la Chine, où, précisément, la natalité est très grande. Car si les parents sont frappés pour avoir formé des criminels, ils sont honorés pour avoir formé des savants, des héros, des saints. Il faut développer toutes les responsabilités sociales. Il y aurait bien des choses à dire là-dessus. La tare de notre démocratie, c’est la haine des responsabilités. Le catholicisme n’est pas, évidemment, tout ce que nous voudrions qu’il fut. S’il l’était, nous serions catholique et non positiviste. Mais c’est une force morale qui subsiste, - et la seule qui soit organisée. Et réfléchissez-y bien, ce n’est pas à ces vices qu’en a l’anticléricalisme, mais à ses vertus, - qui gênent. Vous devriez vous assurer l’indépendance. La boutique n’est peut-être pas votre affaire ; mais pourquoi ne chercheriez vous pas une gérance quelconque ? Ne pourriez-vous avoir un ou deux métiers chez vous avec moteur électrique ? Je vous répète que vous pouvez toujours faire appel à notre concours. Nous sommes d’assez vieux amis maintenant pour laisser de côté tout embarras à ce sujet. Si votre industrie périclite, il faut trouver autre chose. Y avez-vous pensé ? N’oubliez pas de me répondre là-dessus. Mes hommages à Madame Ravaté avec nos bons bécots pour les petites. Et bien cordialement à vous. Signature |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [6 mai 1914]. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Pierre MONATTE, 6 mai. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 7 mai. | |
ÉCHOS
7 mai 1914 Mon Cher Ami, Vos explications ne laissent rien à reprendre. À la base du positivisme, en effet, il y a l’ensemble des connaissances humaines. C’est le dogme. Mais, là-dessus, il faut construire. Voilà ce que, de mon côté, j’ai voulu faire. Comte voulait que les prolétaires et la femme eussent des clartés de tout. Car c’est l’ignorance en la fausse science qui sont rebelles. Si nos prolétaires avaient l’esprit scientifique, comme vous le dites, il ne se laisseraient pas abrutir par leurs meneurs en l’alcool. Il importe de répandre cet esprit. Mais, vous le savez comme moi, c’est quasiment impossible. On les prend mieux par le cœur. C’est ici que le culte l’emporte sur le dogme. En somme, c’est la position que prennent les Jésuites, ces merveilleux connaisseurs de l’âme humaine, quand il recommande à l’incroyant de faire d’abord les gestes de la foi, - celle-ci devant surgir de ceux-là. J’avais craint pour vous que vous vous absorbiez complètement dans quelques recherches spéciales. Votre belle lettre, si émouvante à quelques endroits, me rassure complètement. Vous n’êtes pas de ceux qui prennent leur but pour le moyen. L’empire exclusif de l’objectivisme qui conduit nos scientistes à l’idiotisme aussi pernicieux que l’empire exclusif du subjectivisme qui conduit à la folie. La formation sociologique sera toujours moins précise que n’importe quelle autre discipline ; mais, par là, combien plus humaine, plus vraie de la vérité vivante ! J’ai parlé de votre travail à mon ami Fiessinger qui m’a promis de le lire et de vous donner son opinion de biologiste. Je suis très heureux –ma femme aussi- d’apprendre que le chômage ne vous gêne pas trop. Je vous l’avoue, j’étais inquiet, sachant quelle est la modicité de votre salaire et qu’il ne vous permet pas de faire des économies. En tout cas, notre offre reste. Si vous aviez besoin d’un coup de main pour entreprendre quelque chose, nous restons à votre disposition. J’avais pensé aux métiers à domicile non pour vous donner un surcroît de travail, mais, au contraire, pour vous libérer de l’atelier. Je crois que mes Classes moyennes sont encore plus justes que je ne le pensais. Votre histoire de bibliothèque et d’instituteurs est bien instructive. Touchez sans scrupules vos petites rentes. Vous resterez encore créancier de la société. L’intérêt de l’argent est encore un mécanisme utile. C’est par là que se fait l’indispensable épargne sociale qui nous préserve d’un retour de la barbarie. N’ayez non plus aucun scrupule d’être fonctionnaire municipal. Je souhaite de tout mon cœur que vous soyez nommé. Outre les services afférents à la fonction que vous rendrez, vos loisirs seront des plus féconds. C’est un préjugé prolétarien qu’il faut combattre de croire que la seule production matérielle l’emporte sur tout. Mais comme je vous comprends de ne pas vouloir être commerçant ! Un éditeur – Grasset- m’annonce ce matin qu’il prend mon petit livre L’Argent et le nombre. Me voilà débarrassé de ce souci. Je suis toujours un peu patraque, aucun organe n’est atteint, tout est en bon état ; mais, depuis le 1er janvier, je ne parviens pas à me débarrasser d’une toux déchirante. La fièvre a passé. C’est un rappel périodique de mes expéditions coloniales. Bien à vous quatre de tout cœur. Signature |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [15 Mai 1914]. | |
ÉCHOS
Cher Monsieur Deherme J’espère bien que les quelques jours de beau temps que nous avons eu ont aidé à votre rétablissement et que vous nous annoncerez que vous êtes en parfaite santé ; c’est à nous tous notre vœu le plus cher. Maintenant que votre livre sur l’Argent et le nombre est placé, vous aurez un souci de moins qui vous permettra un repos relatif, -je ne dis pas un repos complet, parce qu’il y a tant à faire et à dire que malgré soit on pense au gâchis qui nous enveloppe. Je vous remercie de la revue Antivivisectioniste contenant votre article sur les méthodes en biologie selon Comte. Oui, il était vraiment curieux qu’au moment où je pensais à distinguer toute la nouveauté, toute la lucidité de la méthode positiviste en biologie, vous envoyiez à l’impression des paragraphes que j’avais relevés pour mon usage. Mais si ce que Comte a dit de la méthodologie en biologie était merveilleux pour l’époque où le cours a été composé, cela l’était plus encore pour le moment où il l’avait pensé, puisque déjà en 1822 dans le 3eme opuscule de philosophie sociale il énonçait en ses grandes lignes ce qui devait se trouver dans la 40e leçon. Ainsi à la page 173 des opuscules, il signale déjà que les cas pathologiques renforcent les observations faites sur les animaux. C’est tout cela et bien d’autres choses que je désire mettre en relief si j’écris quelques pages sur la biologie d’Auguste Comte. Maintenant j’espère bien ne pas trop vous scandaliser en vous disant que je ne crois pas être Antivivisectioniste, quoique les argumentations de la revue m’aient beaucoup frappé. Mais au fond j’ai bien peur que cette trop grande pitié pour les animaux ne soit chez beaucoup qu’un dérivatif à la bonté et à la justice pour l’homme que leur conscience réclame impérieusement…. Je vous retourne la conférence de M. Becquerel et l’article de M. Fiessinger. Je connaissais par la Revue scientifique et par la revue de l’Académie des sciences les idées de Becquerel contradictoires à celle [d’...] sur la difficulté de la transmission de la vie d’une planète à l’autre et si je n’ai pas corrigé ma phrase, c’est d’abord que je n’y ai pas pensé et puis aussi je voulais simplement montrer la possibilité pour la substance vivante de rester vivante à de très basses températures. Les expériences du laboratoire cryogène de Leyde sur la vie latente m’auraient entraîné trop loin. L’article de M. Fiessinger sur les ferments est vraiment intéressant pour sa mise au point de tous les faits nouveaux qui aiguillent la biologie dans la voie humorale réformée. Lorsque je vous avais écrit irrespectueusement envers M. Hillemand, que la théorie nerveuse employée en tout et partout ne me plaisait pas, j’avais en vue cet immense rôle des produits secrétés par les tissus et les glandes si diverses à peine connues et d’autres inconnues qui nous réservent beaucoup de surprises. Mais depuis, par la carte que M. Hillemand et vous avez écrite et que vous m’avez montrée, j’ai vu que le travail de compilation obligatoire pour un manuel ne lui plaisait absolument pas. J’ai ce défaut bien français d’être d’abord irrespectueux au risque de le regretter après. Si cette leçon clinique ou d’autres de M. Fiessinger venaient à paraître en librairie je vous serais obligé de me les signaler. Maintenant pour notre grève, rien de nouveau puisqu’elle continue bêtement, platement. Si elle n’est pas finie d’ici la quinzaine, nous en avons encore pour quatre ou cinq mois puisque les commandes ne pouvant être livrées, sinon avec du retard, ….. ; dès lors, nous ne travaillerons que pour celle de l’été prochain qu’on fabriquera dans le courant de l’hiver 1914-15. Que de misères cachées et d’égoïsme autour de soi. Nos filles vont très bien ; Georgette pousse à faire plaisir, elle est redevenue une petite gracieuse qui fait des grosses risettes tant qu’on en veut. Maintenant nous allons insister pour qu’elle apprenne un plus grand nombre de mots. Affectueusement à vous. |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 28 mai. | |
ÉCHOS
28 mai 1914 Mon Cher Ami, Vous n’aviez pas à me renvoyer les derniers documents que je vous avais fait tenir. Voulez-vous que nous convenions de ceci ? Quand je vous demanderai de me retourner quelqu’un de mes envois, je le marquerai d’un R au crayon rouge ou bleu. Recevant deux ex. du Journal des Praticiens, je vous ferai le service d’un. Je vous recommande la lecture des Variétés, toujours non signées, de mon ami Ch. Fiessinger, - un médecin qui est un fin psychologue et pour qui le malade n’est pas qu’un porte-monnaie à pressurer. Le n° d’Animalia déjà ancien, que je vous ai envoyé hier, répond à votre objection. Le Journal des Praticiens que vous recevez maintenant publiera la suite des leçons de Noël Fiessinger. Vos patrons, c’est la bourgeoisie dans toute sa beauté : insuffisance de cœur et d’esprit. La Brute d’argent, qui se laissera écraser par son coffre-fort. Avez vous du nouveau pour votre place de bibliothécaire ? C’est cela qu’il vous faudrait. Très heureux d’apprendre que Georgette est tout à fait rétablie. Mais ne la poussez pas trop à apprendre. Cela vient tout seul. Il ne faut pas briser le ressort. Moi, je vais assez bien, -et nous voudrions bien quitter Paris. Vous devriez répondre à l’enquête du Matin. J’ai envoyé quelques lignes hier. C’est une occasion de tirer un pétard. La situation financière s’aggrave singulièrement. Pour le moment, c’est la banqueroute qui nous menace le plus. On verra – bourgeois et ouvriers- ce que c’est, et qu’une Jacquerie générale, une invasion de Tartares ne sont pas pires. Bien à vous tous Signature |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [28 mai 1914]. | |
ÉCHOS
Cher Monsieur, Que ce « Journal des praticiens » est donc intéressant. Je ne sais pas pourquoi la science me passionne autant et surtout ses applications à l’art d’atténuer la souffrance humaine. S’il y a une fonction au monde que j’aurais voulu accomplir, c’est celle de médecin. Pour le positivisme je ne sais pas si leur conquête et leur adhésion ne serait pas à rechercher avant toute tentative de popularisation de doctrine. Autrefois le prêtre soignait le corps et l’âme, actuellement, il n’a plus qu’une portion de celle-ci et les médecins rien que celui-là, c’est la raison pour laquelle il y a tant de désemparés ; aussi ce beau rôle que celui de médecin fortifiant l’âme en soignant le corps. Ce serait le prêtre moderne, le prêtre laïque. Je lirai avec attention les Variétés de M. Fiessinger ; ce que vous me dites de lui me fait bien plaisir. C’est consolant de savoir qu’il y a d’honnêtes hommes qui voient l’homme derrière la maladie alors qu’il y en a tant d’autres qui ne s’occupe que de chercher si la bourse est bien garnie. J’ai répondu au Matin dès que vous m’avez indiqué son enquête. Voici ce que j’écris :… De mon chef je n’aurais pas répondu, le Matin me déplaît et je crois qu’il ne serait pas plus sage d’ignorer les mauvais journaux. C’est avec ce qu’on leur écrit et leur donne qu’ils vivent. Pour la bibliothèque de Roanne, le maire m’a fait appeler pour m’offrir d’être auxiliaire. C’est tout ce qu’il peut faire parce qu’il n’a pas voulu désobliger M. Albert Déchelette. Je suis averti que je ne dois prétendre à rien d’autre, les partisans de la municipalité crieraient trop fort si ma nomination était faite. Ce qui a le plus décidé le maire à m’employer provisoirement c’est une lettre de M. Ranvier, le professeur d’histologie au Collège de France retraité dans les environs de Roanne. M. Déchelette lui ayant communiqué une brochure pour la juger, il a été élogieux vraiment ; sa lettre ayant été montrée au maire, celui-ci a concédé à M. Ranvier ce qu’il n’aurait pas fait pour ses amis. Le patron de la municipalité roannaise fait le plus grand cas , malgré ses airs d’indépendance, des jugements de ceux qui ont du renom et des grades. Enfin quatre francs par jour aideront toujours pour faire bouillir la marmite parce qu’il est évident que je gagne plus à l’atelier et que pour rien au monde je ne dois consentir à diminuer mon gain. Croyez à nos meilleures pensées. Ririte vient d’attraper une bonne rougeole dans signes avant coureur
|
1914 | Georges DEHERME - Horace DEHERME, 9 juin. | | |
1914 | Georges DEHERME - X. s.d. [11 Juin 1914]. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 12 juin. | VOIR |
ÉCHOS
12 juin 1914 Mon Cher Ami, Nous sommes encore à Paris, et pour un mois au moins. Je suis très heureux de vous savoir occupé à la bibliothèque de Roanne. Vous y serez à votre place. En 1896, mon ami Edmond Thiaudière m’avait procuré une place de bibliothécaire, chez un médecin, le Dr Marcel Baudoin. Les émoluments étaient modestes (190 fr par mois) ; mais cela ne m’empêcha point de soutenir ma petite revue, qui n’avait alors qu’une trentaine d’abonnés. Mais il y a une phrase que je n’ai pas bien comprise ; continuez vous néanmoins de travailler à l’atelier. Au lieu d ‘être une diminution ce serait un surcroît de travail, et donc de fatigue. Ce n’est pas ce qu’il vous faut. Vous avez bien raison, le corps médical nous offre un excellent terrain de propagande, -surtout lorsque le matérialisme qui découle d’études mal digérées est combattu par une nature naturellement généreuse ou par une intelligence qui sait dépasser les notions dont on l’a garnie à la Faculté. A l’origine, le médecin était le prêtre. On trouve encore dans quelques coins de notre vieille Bretagne des cas de ce genre. C’est le régent, le curé qui prescrit les remèdes et enseigne l’hygiène. Il y a, chez les médecins, une réaction contre le matérialisme d’il y a trente ans. On reconnaît de plus en plus quelle part le moral a sur le physique. Le matérialisme s’est réfugié chez les chirurgiens ; mais cette catégorie est de plus en plus méprisée par le public pour son cynisme de charcutier et sa basse cupidité. Je n’ai pas encore lu votre excellente réponse dans le Matin. Vous avez raison, il ne faut pas se commettre avec cette espèce. On a inséré quelque chose de moi ; mais ce n’est pas tout ce que j’avais dit. On a truqué ma réponse, qui, ainsi, n’a plus grand sens. Mais le journal d’affaire s’était senti visé, et il a préféré ne pas éveiller là-dessus l’attention de ses lecteurs. Je suis convaincu que notre faiblesse vient du manque de publicité, et qu’il suffirait d’être entendu par la masse, surtout du prolétariat, pour rallier la partie active de l’opinion publique au positivisme. C’est pourquoi je ne perds aucune occasion de rappeler au bon sens. Mais j’ai été bien naïf en comptant que le Matin se croirait tenu de publier intégralement une réponse très courte. Il a supprimé une dizaine de lignes seulement. Il n’a donc aucune excuse. Voulez-vous me permettre une petite remarque ? « Solutionner » n’est pas français. C’est du style de bureaucrate fonctionnaire. Quand je rencontre ce mot, qui est propagé par le journal, cela me fait grincer des dents. De même pour « œuvrer », que vous employez parfois, dans un mauvais sens. J’espère que la rougeole de Ririte est guérie et que Georgette y a échappé. Bien à vous Signature |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [14 Juin 1914]. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 21 juin. | VOIR |
ÉCHOS
21 juin 1914 Mon Cher Ami, Je vous renvoie Les Tisseurs que j’ai lus avec intérêt. Il y a de la vie, et vous avez assez le sens des dialogues. Mais vous ne devez considérer ce travail que comme un exercice d’assouplissement de votre plume. Ce n’est pas à publier ainsi. Peut-être, en remaniant, pourriez-vous faire quelque chose qui touche les ouvriers tisseurs de cette région. Ce serait à voir. Mais, pour tout autre public, c’est trop spécial. L’idée directrice n’est pas assez précise. Elle ne se dégage pas suffisamment. Bref, vous feriez mieux de reprendre autre chose. Vous pourriez vous essayer, peut-être, pour des dialogues d’ouvriers, visant ce public et pour lui signaler ses préjugés et l’éclairer. En tout cas, quand vous vous proposez de publier quoi que ce soit, je serai toujours à votre disposition pour examiner vos manuscrits et vous signaler les corrections et les modifications que je croirais devoir être faites sans que cela, il va sans dire, vous oblige à les faire. Je regrette beaucoup que vous n’ayez pu rester à la bibliothécaire. Évidemment, c’était là votre place. N’y a-t-il aucun moyen de faire revenir votre municipalité là-dessus ? Le Matin n’a toujours pas publié votre réponse, et la plupart des correspondants sont dans votre cas. Cette publication semble arrêtée. Quels farceurs ! À la chute du cabinet Ribot, on a pu croire un moment que nous allions entrer dans la crise aiguë, décisive. Mais tous ceux qui vivent du désordre en l’exploitant ont senti le danger, - et nous avons eu Viviani. Tout organisme social a une puissance de vie formidable. J’ai pu voir la plus grande coopérative de France La Moissonneuse, résister plusieurs années à un gâchis inouï. À la fin, c’était les gros fournisseurs eux-mêmes, ceux-là qui avaient amené cet état de choses, qui la soutenaient. Mon UP du Fg Antoine, sans direction réelle, sans base et sans but, tient encore après dix ans. La société française s’effrite ainsi depuis deux siècles. On croirait qu’elle est à bout. L’anarchie est à son comble. Et cela tiendra peut-être encore des années. Malheureusement les forces de régénération s’épuisent. Plus on va, moins la raison se peut faire entendre, mais le cœur se peut faire comprendre. C’est ce qui me fait souhaiter que la catastrophe inévitable se produise au plus tôt. On saurait alors ce qu’on doit faire. Ne déplorez pas votre défaut de mémoire. C’est à cela que vous devez votre fraîcheur de penser. La mémoire est la seule qualité qui est cultivée efficacement par l’école d’Etat. Mais c’est au détriment de l’intelligence. J’ai l’occasion d’observer souvent un brillant élève de Polytechnique qui est parvenu aux plus hautes fonctions de l’Etat. Il a une mémoire prodigieuse. À l’entendre parler, il semblerait qu’il sait tout. Il éblouit. À le creuser, on s’aperçoit vite qu’il ne sait que des mots. Ses connaissances sont des petites boîtes, accumulées dans une armoire, mais dont il ne sait pas se servir. Sa pensée n’intervient pas, - ni son cœur, d’ailleurs, - il n’y a que la mémoire. Au demeurant, dans la conduite ordinaire de la vie, il n’est qu’un sot. La mémoire, et surtout celle qui étonne – va rarement avec la véritable intelligence. A. Comte était une exception. Il avait une puissante mémoire d’idées : mais je ne sais pas s’il avait celle des mots à un si haut degré. Mais Comte, sous tous les rapports, était un être exceptionnel. J’espère que les petites sont remises et que la maman est plus tranquille. Je vous signale, à ce propos, un excellent antiseptique sans danger et assez économique : le Gomenol. Bien affectueusement de nous deux à vous deux. Signature |
1914 | Charles DESCHARS - Georges DEHERME, 1er juillet. | VOIR | |
1914 | Horace DEHERME - Georges DEHERME, 6 juillet. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 18 juillet. | VOIR |
ÉCHOS
18 juillet 1914 Mon Cher Ami, Je ne saurais trop vous remercier de l’excellent article que vous avez consacré dans Rodumna –et que le Courrier de la Presse vient de me communiquer- au livre de Dessaint et au mien. C’est certainement l’un des plus compréhensif auxquels ont donné lieu le Pouvoir social des femmes et la Mission des Conservateurs. Je m’empresse de communiquer cet article à Dessaint qui, par moi, vous connaît bien. Une simple remarque seulement. Vous dites : « Jusqu’à lui (Comte), il y avait eu une systématisation du savoir… ». Mais non, c’est encore lui qui a établi la première – et la seule jusqu’ici- systématisation positive du savoir. C’est tout l’effort de sa première carrière, avec les six volumes du Cours de philosophie positive. Et sa synthèse subjective ne vaut que par cette base. Nous sommes encore à Paris. – et pour huit jours au moins. Je ferai suivre mon courrier ; mais ne me renvoyez rien en ce moment de ce qui est à me retourner. Quand nous serons revenus, vous pourrez m’expédier tout cela par colis postal. Je viens d’envoyer à la Grande Revue un article sur la Culture sociale de la race qui paraîtra en octobre s’il est accepté. Car j’ai posé cette condition, cette fois, de le publier intégralement ou de ne pas le publier. Et vous ? Avez-vous repris votre travail ? Les petites sont-elles en bonne santé et la maman aussi ? Le parlementarisme à l’heure actuelle, étale toute sa pestilence. Il n’y a plus que les anarchistes de gouvernement et les syndicalistes caillautistes de la Bataille pour le défendre. Mais on laisse faire, et la peste continue ses ravages et gagne le cœur. Il n’y a plus de gouvernement. À la lettre, c’est l’anarchie. Mais c’est aussi ce que peut donner l’anarchie : la pire tyrannie des bandes les plus fortes. Cette exaspération de l’individualisme aboutit à comprimer toute individualité. C’est bien instructif. Dans le Journal des Praticiens de cette semaine, je mets un article qui vous intéressera peut-être.
Bien affectueusement à vous tous. Signature |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 21 juillet. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Eugénie RAVATÉ, 13 août. | VOIR |
ÉCHOS
13 août 1914 Chère Madame et amie, Votre cher mari doit être parti. Ma femme et moi, nous tenons beaucoup à ce que Marguerite et Georgette ne manquent de rien. Faites-nous donc le grand plaisir d’accepter pour elles ces 800 francs. Si vous n’en aviez pas besoin, si vous les refusiez, de toute façon, ne nous les renvoyez pas. Il y a, autour de vous, des misères à soulager. Mais nous préférerions que vos petites profitent de notre envoi que nous renouvelleront, si vous nous le permettez, dans quelque temps. Donnez nous des nouvelles de Jules. Moi-même j’attends qu’on me permette de m’engager. En attendant nous organisons un asile pour recueillir 20 à 30 enfants pendant la durée de la guerre. Ce sera la contribution de ma femme au magnifique effort français. Moi, j’ai ma peau. Veuillez agréer, chère Madame et amie, l’expression de nos meilleurs sentiments d’affection Signature Si nous ne vous avons pas écrit plus tôt, c’est que nous étions à l’autre bout de la France, sur la frontière italienne. Après de nombreuses péripéties, nous avons mis trois jours et deux nuits pour rentrer à Paris. |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [15 août 1914]. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 17 août. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [20 Août 1914]. | |
ÉCHOS
Cher Monsieur Deherme J’espère que ma lettre vous parviendra avant votre départ pour que je puisse vous remercier de la grosse somme que nous distribuerons aux malheureux qui n’osent pas demander et qui cachent leur misère, car pour nous momentanément nous n’acceptons pas. Nous avons encore un peu d’argent d’avance et le jardin avec ses légumes (pommes de terre, haricots, choux, poireaux) et ses fruits (que nous transformons en confiture) nous met à l’abri du besoin actuellement. J’ai forte envie de réserver cette somme encore quelque temps, tout le monde est enthousiaste et donne pour les femmes et les enfants et comme la saison est bonne chacun vit avec peu de chose. Mais on se lasse de donner, je connais trop mon Roanne et lorsque l’automne et le brouillard arriveront un peu d’argent pour le pain, le vêtement chaud et le charbon fera plus de bien à ce moment. Voulez-vous me permettre de l’utiliser ainsi surtout chez ceux qui ont été gréviste si longtemps et que la police pourchasse encore. Le cœur de Madame Deherme se manifeste très justement en se dévouant aux enfants. C’est à eux qu’il faut penser le plus ; les mères savent ce que c’est que la souffrance et la supportent vaillamment pour elles mais pour leurs chers petits elles font des prodiges mais ceux dont le père part et dont la mère est morte. Je viens de voir un pauvre homme devenir fou : il été appelé au régiment alors que sa femme vient de mourir 4 jours auparavant en accouchant et ils laissent [...] enfants dont le plus grand a neuf ans. Je crois qu’il faut surtout penser à ceux qui eurent père, mère, frère pour les chérir et qui n’ont plus que l’assistance publique. Combien je voudrais vous voir revenir de votre décision. Gardez-vous en bonne santé pour la lutte contre les maux de la guerre et pour aider à panser les plaies demain. A Paris, on juge donc la situation désespérée pour que tous les bons aillent donner leur peau ainsi ? C’est un don magnifique de soi, mais il faut avoir le courage d’y résister, si ce n’est pas absolument nécessaire. Gardez-vous ; on défend aussi bien la patrie dans son village qu’à la frontière. Pardonnez-moi ma diatribe contre les riches, j’oublie toujours que vous l’êtes. Mais vous me connaissez trop pour savoir que je n’ai de colère que contre les mauvais riches pour qui les grandes réalités morales ne sont que des masques. Je vous écris tout ce que je pense ; tout ce dont nous causons à la maison, moi et ma femme quand nos petites sont au lit et que nous avons cinq minutes de liberté. Vous faîtes partie de notre famille, vous et madame Deherme et pour tout au monde nous ne voudrions que notre amitié fut blessée par un soupçon de malentendu. Restez-nous, et aidez madame Deherme dans son rôle de maman ; les enfants aiment aussi leur papa. Combien je voudrais voir les bras de Ririte et de Georgette vous serrer bien fort pour montrer combien elles aiment gros. Signature |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 27 août. | VOIR |
ÉCHOS
27 août 1914 Mon Cher ami, Je ne suis pas encore parti. Je compte aller cette semaine au bureau de recrutement pour m’engager. Vous savez qu’on ne recevait les engagements qu’à partir du 21 août, et les premiers jours il y a encombrement. Je vous remercie de vos conseils ; mais vous-même dans la lettre qui s’est croisée avec la mienne, vous en avez détruit toute la force en remarquant que les « bourgeois » savaient trop bien se garer. Sans doute, je pourrais rendre plus de service dans les diverses organisations de secours et d ‘administration qu’en allant se faire tuer à la fron-tière. Mais on ne me fait pas de place dans ces organi-sations et mon engagement a une valeur d’exemple. Et puis, en marchant on peut relever les courages, contri-buer à tenir la discipline. La discipline ! tout est là en ce moment. Si nous ne savons pas obéir en silence, tout est perdu. Et je vous prie de croire que le Teuton victorieux, même socialiste, sera plus dur envers le prolétariat français que le plus dur capitaliste. J’ai tout de même espoir. Le danger unit les cœurs et éclaire les esprits. Le bon sens revient. Les cervelles françaises s’éclairent. Vous ne me blessez nullement en parlant des riches avec sévérité. Vous n’en direz jamais autant que j’en pense et que j’en disais dans le livre qui devait pa-raître en octobre. N’empêche que l’envie du pauvre est quelque chose de bien misérable. Pour le mandat que je vous ai envoyé, vous savez mieux que moi comment il faut faire le plus de bien. Je sais qu’il est mieux entre vos mains que dans n’importe quelle caisse de Comité. Mais c’est à la condition que, vraiment, vos petites ne manquent de rien. J’ai moins de mérite qu’il y paraît de partir. Il m’est devenu insupportable d’être inutile dans un tel moment. Ma femme peut s’occuper des enfants qu’elle a recueillis. Moi, je suis de trop à Paris, n’y ayant rien à faire. Tâchons de ne pas nous perdre de vue, - et que l’Humanité nous protège ! C’est elle que nous servons en servant la patrie française. Bien affectueusement à vous tous. Signature Croiriez-vous qu’il nous est difficile d’avoir des enfants dans les conditions que je vous ai dites. Non n’en avons encore que huit et encore ne sont-ils pas extrêmement nécessiteux. |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [27 Août 1914]. | |
ÉCHOS
Cher Monsieur De Je ne sais si ma lettre vous trouveras ou je vous l’adresse à tout hasard et j’espère que le désarroi n’est pas aussi grand qu’on aurait pu le prévoir. Ma femme et moi nous nous sommes demandé si vous étiez déjà parti pour le Midi et si votre état de santé, ainsi que celle de madame Deherme, ne souffrira pas trop de l’anxiété qui étreint tous ceux qui savent voir les choses. Derrière l’enthousiasme pour la guerre qu’y a-t-il vraiment ! J’ai vu des pleurs et de la peur cachées par le sourire chez ceux qui partaient. Ici, comme partout, il y a eu la panique pour les vivres lorsque l’ordre de mobilisation est arrivé ; les boutiquiers en ont profité pour hausser les denrées, la peur du sabotage les a ramenés à la raison puis les menaces de taxation par l’autorité gouvernementale a fini par donner le calme à leur coffre-fort. Cette taxation légale leur sera profitable puisque le minimum du prix du pain a été porté à 41 centimes le kilo alors qu’actuellement il en vaut 3 ; espéront qu’ils n’iront pas jusqu’au minimum. Tout est matière à profit, même la guerre ; comme la machine sociale est bien montée pour que tout leur retourne en définitive. Ce que j’admire le plus, c’est l’enthousiasme des mastroquets, leurs cafés ne désemplissent pas. Réserve de l’active, territoriale et réserve de territoriale encombrent les hôtels et les boutiques. Le bas de laine se vide enfin ; le coup est bien joué. Je suis au dépôt du 104e territorial et momentanément je reste à Roanne ; j’ai pu obtenir l’autorisation de manger et de coucher chez moi. Je n’entrevoyais pas de gaieté de cœur le bœuf et le rata commun, moi qui suis toujours au régime lacté et aux farineux. Que de misère se prépare pour les pauvres diables qui vivent au jour le jour. Ici on organise des soupes populaires, on prépare les lycées pour les blessés et pour se faire la main, populo lynche les alsaciens et les suisses qui portent des noms à consonance germanique. Nos patrons roannais applaudissent à l’assassinat de Jaurès (un allemand de moins) et à la déclaration de guerre mais je constate qu’ils sont ou réformés ou embusqués dans l’état-major. Tas de braves en paille. A quand donc la représentation proportionnelle suivant la fortune, devant le feu de l’ennemi ? Que la convocation des territoriaux, de tout le monde ouvrier, était donc bien combinée. Tous encasernés et nul ne peut rien voir, ni rien dire. On évite l’émeute évidemment, en face de l’ennemi évidemment, mais on peut aussi faire passer les amis riches là ou il ne risqueront rien. Si nous sommes vainqueurs tout ira bien ou à peu près, mais si c’est le contraire ? Et la note à payer qui se prépare ? Le péril jaune sera autrement redoutable demain, avec notre grande industrie qui demande des hommes avant tout, on regrettera fort l’aide apportée par les japonais par l’intermédiaire des anglais. La France est bien l’otage de l’Humanité, quoiqu’il en soit. Recevez pour vous et madame Deherme nos profondes amitiés ainsi que les baisers de nos filles qui sont en excellente santé. (Ririte dit à maman : « que je suis donc contente que mon papa est soldat » ». Chère innocente. Jules Ravaté |
1914 | Mme Vve PÉGUY - Jules RAVATÉ, s.d. [seprembre 1914]. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 20 septembre. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 22 septembre. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 24 septembre. | VOIR |
ÉCHOS
24 septembre 1914 Mon Cher Ami, Hélas ! Quoique mobilisé officiellement, je suis encore civil à Paris. Quand j’ai voulu m’engager pour la première fois, dans les premiers jours d’août, on me déclara qu’on ne prendrait les engagements qu’après le 20 août ; mais, en même temps, en modifiant mon livret militaire, et après les termes de la nouvelle loi de 3 ans et j’apprenais ainsi que j’étais encore de la réserve de la territoriale jusqu’au 1er novembre. Après le 20 août, je retournai au bureau de recrutement, et cette fois, l’on me rembarra en me disant que j’avais une affectation et que je devais attendre, car je ne pouvais m’engager dans ces conditions, étant mobilisable en-core. Enfin, tous les journaux annoncèrent à grand fracas, il y a trois semaines environ que toutes les classes étaient mobilisées. Je me rendis donc au fort de Bicêtre comme l’indiquait la nouvelle feuille qu’on venait d’ajouter à mon livret. On fut plus embarrassé pour me répondre. J’étais mobilisé, en effet, sans l’être, tout en l’étant. J’étais désigné pour le 10e bataillon, et ce bataillon n’était pas formé, il allait l’être. Ce serait une affaire de trois ou quatre jours. Une affiche du Gt mili-taire de Paris nous aviserait. Il n’y avait qu’à attendre. Et, depuis, j’attends. D’ailleurs mon ardeur guerrière est bien tombée, je ne suis pas fâché qu’on se passe de moi pour garder les ponts et les voies, puisque aussi bien, paraît-il, c’est seulement ce service un peu monotone qu’un territorial de ma classe peut être employé. Je suis pourtant capable de faire des étapes de 50 à 60 km et de rester quatre jours sans manger ; mais il est évident qu’une aussi colossale organisation ne peut tenir compte des cas individuels. Pour ma femme, je l’ai conduite en auto, avec tous les enfants de la famille, sa mère, et sa sœur, à Bandol (Var). Quand les Prussiens menaçaient Paris – où ils devaient entrer sans coup férir- la situation de notre refuge était critique. Nous sommes justes sous le fort d’Issy. Il nous fallait licencier nos enfants. La police fit même évacuer deux petits belges, un mineur de Charleroi et un verrier de Mons (15 ans) qui nous étaient arrivés un soir, éreintés, affamés, ayant été séparés de leurs parents. Je vous avouerai que je fus presque content de ce prétexte qui m’était offert de donner quelque repos à ma femme. Elle n’en pouvait plus et serait tombée malade. Comme tous ceux qui n’ont pas eu à se colleter avec la vie, elle n’a pas le sens de l’action. Elle se donnait trop, elle n’administrait pas ses forces. Je me garderai bien, à l’avenir, encore qu’elle veuille revenir, de l’engager dans une action où l’effort peut être illimité. Elle ne saurait pas le mesurer elle même à la possibilité de ses forces nerveuses. Notre installation subsiste, et elle doit servir à des réfugiés en famille ou a des blessés convalescents. Mais, pour cela, il faut attendre que Paris ne soit plus menacé du tout, c’est-à-dire que la bataille de l’Aisne s’achève, - et par le recul des Barbares. L’Action française m’avait offert, la semaine dernière, d’être son correspondant de guerre. Son attitude étant admirable en ce moment, car elle est strictement française, et disciplinée, et positive, j’avais accepté avec enthousiasme. Sur les champs de batailles, j’eusse trouvé des faits et des raisons pour nourrir le livre que j’ai en vue : Les Conditions de la régénération française. J’avais une puissante auto à ma disposition. Malheureusement, il a été impossible d’obtenir un permis. Après la bataille de la Marne, il y a eu des abus, un véritable scandale. On allait voir ça, comme on va voir les exécutions capitales. C’était un sport. Les routes étaient encombrées de ces inutiles qui entravaient le service de ravitaillement. Comme il n’y a pas de direction intelligente possible sous notre régime, il a fallu tout interdire. Néanmoins, M. Paul Doumer, qui est le chef du Gt civil à Paris, m’a promis que dès qu’il y aurait une exception possible, elle serait en ma faveur. Et, là encore, j’attends. Vous pensez si j’enrage de mon inaction, d’autant plus que l’on a difficilement le calme d’esprit qu’il faut pour lire et écrire. Que tous les mots et même les pensées sont peu de chose à l’heure présente ! Comme le soldat grandit ! Comme on envie la jeunesse qui peut aller se battre et qui vit chaque seconde de ce moment solennel de l’histoire ! Il suffit qu’on y soit mêlé pour qu’aucune des funestes erreurs que nous avons combattues en vain ne tiennent. Ah ! que le canon est mieux entendu que nos pauvres raisons ! La tâche de l’éducation de demain, ce sera de rappeler ce bon sens spontané, ce sera d’empêcher que les sophistes et les bavards viennent de nouveau troubler les cerveaux rendus à la santé par la souffrance, l’effort commun, l’héroïsme et la gloire. Cette unité des esprits et des cœurs, il faudra la défendre contre toutes les entreprise dissolvantes, n’est-ce pas ?. Je voudrais m’y mettre dès maintenant, pour que ce soit prêt à la signature de la paix. J’avais en l’idée, un moment, de fondre un journal, que j’eusse appelé L’Ordre ; mais il y avait bien des obstacles à surmonter, et c’est surtout par la partie active de la nation, par ceux qui se battent aujourd’hui et qui travailleront de-main que j’eusse voulu être lu. Cela était impossible. Mais c’est beaucoup parler de moi. Et vous ? A quoi vous emploie t’on ?. Pouvez-vous aller chez vous ? Je suis heureux d’apprendre que votre femme et vos chères petites vont bien. Mais vous ? Comment supportez-vous le régime de la cuisine militaire ? Saignez vous ? Je vous en prie, si vous avez besoin de quelque chose, vêtement ou autre, que je puisse vous envoyez de Paris, faîtes-moi l’amitié de me le demander tout simplement. C’est la meilleure preuve d’affection que vous puissiez me donner. Et j’y compte. Charles Péguy, avec qui j’ai eu quelques relations a été tué. Le musicien Albéric Magnard, que j’ai beaucoup connu, avec qui j’ai eu de fortes discussions, a été fusillé devant sa maison par les Allemands. Auparavant, il avait abattu, comme des loups rapaces, deux ulhans. C’était surtout un artiste. Ailleurs, c’était une âme gé-néreuse mais chimérique. Il s’égarait aisément : communiste, féministe, voltairien anticlérical, pacifiste… J’ai aussi un jeune ami, expédié à Maubeuge depuis le début de la guerre, et dont sa femme n’a jamais eu de nouvelles. Or Maubeuge a été investi, puis pris par les Allemands. Aucun de nos forts du nord, nord-est et du centre n’étaient en état. Autrement, jamais les Allemands avec l’appui que nous ont apporté les Belges et les Anglais ne seraient entrés en France. Le parlementarisme et le système électif nous coûtent cher. En reviendra-t-on ? Ecrivez-moi quand vous aurez du loisir, transmettez mes amitiés à votre femme et croyez à ma vive affection. Signature 6, rue de la Madeleine |
1914 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 25 septembre. | VOIR | |
1914 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 26 septembre. | VOIR |
ÉCHOS
Bas de la page 2. Avec retour par l’Ontalon ( ?). Nous nous arrêtâmes dans une ruelle Bas de la page 3 Le faire. C’est le salut du meilleur de l’esprit français qu’il faudrait |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 2 octobre. | VOIR | |
1914 | Henriette DEHERME - Jules RAVATÉ, 5 octobre. | VOIR |
ÉCHOS
Lundi 5 octobre 1914 Cher Monsieur Ravaté, Mon mari me fait parvenir votre bonne lettre du 22 septembre. Je sais qu’il y a répondu en vous donnant les ren-seignements demandés sur ce qui le concernait, mais à mon tour je saisis l’occasion de vous exprimer toute ma sympathie !... Il faut un rude courage pour vivre séparé de tous ceux qu’on chérit si tendrement !… mais je connais votre âme vaillante, je la connais et je l’aime depuis déjà si longtemps !... Combien, étroitement, mon mari et moi, nous nous sentons liés de cœur avec vous et votre nid si chaudement rempli de cette affection touchant qui constitue bien le seul vrai bonheur appréciable de l’existence !... Ah ! cette guerre !!.... quelle horreur !... et que va-t-il sortir de cette effroyable bataille de l’Aisne ?... On vit dans un invraisemblable cauchemar et on ne parvient pas à imaginer que ce cauchemar… c’est la réalité ! J’aimerais vous écrire longuement, cher Monsieur Ravaté, vous dire la joie que j’ai maintes fois éprouvée à vous sentir comprendre si parfaitement mon cher mari qui est bien le plus beau cerveau et la plus noble cœur que je connaisse au monde !... Mais, je suis obligée d’écourter ma lettre, consacrant depuis 3 semaines tout mon temps à des études d’infirmière afin de pouvoir aider à soigner les pauvres blessés qui doivent arriver en grand nombre d’ici quelques jours. Ah ! combien je déplore de n’avoir pas mon diplôme de Croix-Rouge !... Hélas ! on ne s’improvise pas infirmière en 3 semaines ! Enfin, j’apporterai tout ce que je pourrai, c’est-à-dire tout mon cœur, mon temps et ma bonne volonté. Avec les vœux ardents que je forme pour votre parfaite conservation, je vous adresse, cher Monsieur Ravaté, toute ma plus vive sympathie doublée d’une profonde amitié pour vous, votre femme et vos deux mignonnes. Henriette Deherme. |
1914 | André BOURGEOIS - Jules RAVATÉ, 21 octobre. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 25 octobre. | VOIR |
ÉCHOS
25 octobre 1914 Mon Cher Ami, Êtes-vous toujours à Moulins ! En tout cas, j’espère que cette lettre vous suivras. Moi, je me ronge toujours dans l’inaction. J’ai fait encore plusieurs démarches pour m’employer d’une manière ou d’une autre sans résultats. Ma femme, elle, se dépense dans une ambulance mal organisée et elle m’inquiète beaucoup. Elle veut suppléer, elle seule, à toute l’insuffisance de l’administration. Elle aboutira surtout à tomber malade d’épuisement. Les blessés qu’elle soigne et qui arrivent dans un état effrayant sont admirables de résignation et d’endurance. Cet héroïsme simple et silencieux est sublime. Nous pouvons avoir pleine confiance. La guerre ne sera qu’un incendie purificateur. Comment trouvez vous que ça va ? Certes, ce sera long. Un an, peut-être. Les Anglais prévoient deux ans. Ce sera long, mais le succès est au bout. L’insolente Germania sera brisée. Cà coûtera cher. En tenant compte de tout –même de la valeur économique de la vie humaine – j’évalue à 60 milliards pour la France seulement. Mais il n’y aura qu’une perte matérielle. L’enrichissement moral sera considérable. Malheureusement, si dans l’ensemble, il y a gain, que de pertes individuelles ! J’ai appris par les journaux que votre ami Déchelette avait été tué. J’ai pensé à la peine que vous avez du éprouver. Quelle chose épouvantable, mystérieuse et magnifique que la guerre ! Il semble que sans elle nous devions retourner à la bestialité, et elle débride toutes les férocités de l’homme. Elle est le témoignage émouvant de ce qu’il y a encore d’inconscient et de sauvage dans la nature humaine, et en même temps elle est la grande éducatrice. Elle est le mal et le bien ; mais de plus elle est la lumière, car elle nous montre que ce mal est la condition du bien. Ayons confiance, mon cher ami. Nous vivons un des moments les plus solennels de l’histoire. Il en doit surgir une ère nouvelle. Préparons nous y dignement. J’ai eu des moments de profond découragement devant mon impuissance. Mais je commence à entrevoir tout ce qu’il y aura à faire demain pour ceux qui ont une idée directrice et une assise solide de principes, et j’en suis exalté. On n’est impatient et anxieux que pour toutes les souffrances indicibles qu’on se représente ; mais l’on se sait sur la belle route de l’ordre français. Comment vont votre femme et vos petites, - et vous même ? Ecrivez-moi quand vous aurez un moment. Bien affectueusement vôtre Signature Entre autres, j’ai voulu m’occuper d’une école d’apprentissage qu’on veut créer dans chaque arrondissement ; mais chaque député – président- surtout ceux qui se disent vos amis – préfèrent que je m’emploie dans un autre arrondissement que le leur. Je reste mobilisable. |
1914 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 10 novembre. | VOIR | |
1914 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 11 décembre. | VOIR |
ÉCHOS
11 décembre 1914 Mon Cher Ami, Ma femme est revenue auprès de moi, et maintenant nous sommes deux à déplorer notre désoeuvrement. Du moins, à elle, ce repos est nécessaire. De temps en temps, une note passe dans les journaux pour annoncer qu’on va enfin appeler ceux de ma classe (1887) qui ne le sont pas encore, et cela suffit pour enrayer encore mes velléités. Au surplus, je ne suis pas pressé d’aller garder les voies. Je me suis mis à mon livre, mais je travaille peu. Que de choses à relever pourtant ! Mais il faut du courage pour se tenir dans une chambre et forcer sa pensée à se concentrer. J’ai trop mêlé une action immédiate à ma pensée pour ne pas ressentir douloureuse-ment ce désaccord avec moi-même. Et je dépense quatre heures par jour encore à lire les journaux. Je ne me console qu’à l’idée que mon heure viendra. Et alors je me prépare à l’organisation d’un périodique. Mais sous quelle forme ? C’est le prolétariat ouvrier et paysan qu’il faut atteindre, - sans, pour cela, négliger, ceux qui, dans les autres classes, peuvent avoir un office d’éducation ou de direction : instituteurs, curés, officiers, médecins, patrons. Il n’y a que la basoche, les politiciens et la bourgeoisie parasite à laisser de côté. Mais, encore une fois, comment être vivants, et sérieux, et clairs, en s’adressant à des personnes de cultures si différentes ? J’espère que l’unité morale que la guerre déterminera aura facilité une compréhension commune. Mais, en écrivant les premiers feuillets du livre dont je vous parle, j’ai ressenti jusqu’au désespoir les difficultés. Aussi, en suis-je arrivé à imaginer de faire deux éditions de ce livre, dont l’une populaire, plus réduite, mais encombrée de citations, de preuves, de faits. Malheureusement, on ne peut faire deux éditions d’une gazette. Evidemment, la difficulté n’existe plus quand on ne vise, comme la Guerre sociale ou la Bataille ou l’Humanité qu’a exploiter l’ignorance ; la crédulité et les mauvais sentiments des foules. Mais nous voulons avant tout, faire œuvre d’éducation. Rien que pour le titre, nous nous apercevons que rien n’est moins aisé. L’Ordre, par exemple, serait parfait. Mais cela nous ferait étiqueter « réactionnaire » immédiatement par le peuple, qui est pourtant le plus intéressé au rétablissement de l’Ordre. La Réaction même, à le bien prendre, s’indiquerait. Toute guérison est une réaction. Mais je n’ai pas besoin de vous dire pourquoi il faut y renoncer. Cela semblerait un défi. Un positiviste, le Dr Cancalon, m’a proposé « Ordre et Progrès ». Parfait en épigraphe, comme devise, cela devient lourd comme titre, et en restant tout aussi suspect pour le populaire. Je me suis arrêté à la périodicité hebdomadaire pour commencer. Mais prendrons-nous la forme du journal ou de la revue ? Je penche pour celle-ci ; mais n’est ce point limiter sa diffusion dans le populaire ? Quoiqu’il en soit, après la guerre, il y aura un grand effort à faire. Les esprits seront plus mûris, mieux avertis, mieux préparés à la sagesse. Nous aurons, je l’espère, d’heureuses surprises. N’en n’avons nous pas eues déjà depuis août ? La France a un capital moral. Cela se retrouve. Il y aura quelque chose de changé dans les rapports sociaux. Et il dépendra du prolétariat que cela dure et s’améliore. Dans le plus bourgeois des journaux, le Figaro, je lisais ces jours-ci, sous la signature d’un académicien que l’argent aura à se réformer. Nous y poussons. D’ailleurs, l’organisation financière d’avant la guerre qui n’avait en vue que les « affaires », c’est à dire la rafle d’or, l’exploitation, la spéculation sur l’or ou plutôt l’agio, va subir de profondes modifications. Les grandes sociétés de crédit, la corporation des agents de change (la seule corporation que notre individualisme supporta avec celle de la basoche) auront du plomb dans l’aile. Vous verrez. Et vous verrez aussi que nos démagogues socialistes ou syndicalistes ne seront pas écoutés quand ils chercheront encore à détourner le prolétariat des filous de la finance pour les lancer contre le patronat. C’est la bourgeoisie, qui n’a pu digérer le moratoire, et l’insolence du pouvoir des mar-chands d’argent, qui donnera l’exemple. Ce sera la forme que prendra notre réaction sociale. À ce moment, tout enseignement positif aura une grande portée. Il est des heures où chaque seconde est importante. Nous aurons la paix par la victoire complète. Soyez-en assuré. Ce n’est pas que nos politiciens aient une décision si précise, c’est que le gouvernement anglais a pris la direction politique de la guerre. Il ne fera la paix que lorsqu’il siéra de la faire. Et ce sera pour longtemps. Le panslavisme ne sera pas à redouter de long temps, croyez moi. Avant de déborder, il a un territoire immense à remplir, des richesses infinies à mettre en valeur – et l’Orient à contenir. Et puis, la Russie est pacifique. Détruire l’empire allemand, ce n’est pas détruire le peuple allemand, -ni même le prussien. C’est dissoudre la formidable association de malfaiteurs que la Prusse avait constituée par le fer et le feu, pour le brigandage mondial. Soyez certain, que, si leur orgueil en souffre quelque peu, les peuples de Saxe, du Hanovre, de Bavière, etc – respireront d’être libérés de la contrainte prussienne. S’ils sont ruinés par l’indemnité de guerre pour ½ siècle, ils ne devront s’en prendre qu’à leur furie de destruction. Ce que nous leur ferons payer n’atteindra pas ce que ces barbares ont détruit. D’ailleurs, si elle ne retombe pas sous la basse tyrannie de ses politiciens, la France reprendra l’hégémonie morale du monde. Et c’est elle qui donnera le ton. Ce sentiment de notre grandeur, nous portera à nous grandir encore. Vraiment, je n’ai d’inquiétude de notre organisation politique, des erreurs révolutionnaires qui nous abêtissent et nous livrent à tous les charlatans bavards. C’est là que les positivistes ont à intervenir. Je crois que vous vous trompez en prévoyant des épidémies pour le commencement de l’été. Les armées victorieuses échappent aux épidémies. Et la gloire vaut mieux pour en préserver les troupes que tous les sérums et les vaccins. Bien affectueusement vôtre Signature Quand elle était à Bandol, ma femme vous a écrit une longue lettre, - il y a environ deux mois. Ne l’avez-vous pas reçue ? |
1914 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 20 décembre. | VOIR | |
1914 | Mme DESCHARS - Georges DEHERME, 25 décembre. | VOIR | |
1915 | Georges DEHERME - Horace DEHERME, s.d. [1915]. | VOIR | |
1915 | Famillle JABLONSKY - Georges DEHERME, s.d. [1915]. | VOIR | |
1915 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ s.d. (1915) | VOIR | |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [1er Janvier 1915]. | VOIR | |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d.[2 Janvier 1915]. | VOIR | |
1915 | André ROSTAND - Georges DEHERME, 13 janvier. | VOIR | |
1915 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 16 janvier. | VOIR |
ÉCHOS
16 janvier 1915 Mon Cher Ami, Nous avons un grand plaisir à recevoir de vos bonnes nouvelles à tous. Je comprends votre père d’avoir commencé la nouvelle année avec votre chère femme et vos petits angelots. Nous souhaitons de tout cœur que vous la continuiez dans le même bonheur. Nous, si nous avons la chance de ne pas être séparés, nous enrageons toujours de n’être pas plus utilisés. Ma femme peut s’employer encore à de petites tâches de secours que je veux croire pas tout à fait vaines ; mais, pour moi, c’est l’inaction absolue. Ma seule consolation, c’est le sentiment qu’une réserve sera nécessaire, après la guerre, pour reconstituer l’ordre social. Et aussi que j’ai tout tenté pour m’employer d’une façon ou d’une autre. Que d’énergies gaspillées, perdues ! Que de forces inutilisées nous pourrions opposer à la barbarie germanique ! Nous établirons le bilan un jour, et nous saurons ce que notre anarchie nous a coûté. Un des meilleurs amis de la Coopération des Idées, un de ceux que j’associais en pensée à notre prochain effort, a été victime de notre désordre bien plus que de l’assassin teuton qui supprima brutalement cette belle intelligence et ce grand cœur. Car Charles Deschars, vous le pensez bien, n’aurait pas dû être sur le front, - et ce front, d’ailleurs, n’eut pas du être exposé comme il l’a été. Avec ce qu’il pouvait et ce qu’il savait, il avait de grands services à rendre dans l’administration, et particulièrement le ravitaillement, - où je sais que manquent les compétences et les caractères. Vous lirez cet article, et vous relirez les Lettres d’Allemagne que la Coopération publia en 1902 (n° 3 et 9). Cela vous fera connaître et aimer notre ami. Il laisse quatre jeunes enfants et sa veuve, qui vient de m’écrire une lettre admirable de douleur contenue et de noblesse. Hélas ! il ne faut pas se faire illusion, et surtout propager cette dangereuse illusion : cette guerre ne mettra pas fin à la guerre. La guerre n’est pas un remède spécifique. C’est une opération chirurgicale. Elle peut, pour un temps, supprimer les effets du désordre, elle n’établit pas l’ordre. Les conditions de la paix, vous les connaissez, - c’est la constitution d’un pouvoir spirituel ?. Nous n’y sommes pas. Et combien ont la claire volonté d’y être ? Tout pacifisme d’ignorance ou d’expédients est extrêmement dangereux. Nous pouvons nous en rendre compte, douloureusement. Il ne faut pas que cet enseignement sanglant se perde encore. Ce sera une de nos tâches. J’ai été très touché d’apprendre que Madame Ravaté s’intéressait avec tout le cœur à notre action future. Son titre est bien trouvé. Malheureusement, il est déjà pris. C’est le journal du Familistère de Guise. Il y a aussi le Devoir démocratique, Le Devoir des femmes françaises- probablement d’autres. Tout bien pesé, puisqu’il nous faudra renoncer au quotidien, j’en resterai à la Coopération des Idées, qui ne me satisfait qu’à demi, comme tous ceux que je vois, mais qui a l’immense avantage, d’être très connu et de marquer une continuité déjà appréciable. Un journal ? Non, pas tout à fait. Il faut tâcher de faire prendre cette forme plus sérieuse, plus complète du Magazine hebdomadaire, qui est si répandu à l’étranger. Le journaliste le plus influent en Allemagne est Maximilien Hardere, qui dirige une gazette hebdomadaire, Neue Zeit, du format de la Vie ouvrière. Il faut espérer qu’après la guerre, l’esprit français sera plus sérieux. Il n’y a qu’avec un grand quotidien qu’on peut espérer agir directement sur la masse. Avec nos ressources, nous ne pourrons viser qu’au public le plus intelligent. C’est là la difficulté. Il faut atteindre l’élite ouvrière et ceux des conservateurs susceptibles de remplir leur rôle d’autorité sociale. De plus, il faut que l’effet de notre enseignement se fasse sentir immédiatement. Il ne sied plus de penser que pour agir. Les Français ne paraissent pas s’en douter, mais le plus grand danger qui menace la nation, c’est celui que leurs préjugés et leurs erreurs susciteront après la guerre. Voyez-vous, mon cher ami, le grand ennemi du peuple, c’est l’envie, la méfiance, -même quand elle est justifiée. Vous êtes assez familier avec la politique positive pour savoir que toutes les mesures dictées par la méfiance ne déterminent que l’irresponsabilité. Qu’est le parlementarisme à son origine, par quoi il se justifie ? Vous le savez, c’est le contrôle des finances de l’Etat. Voyez où il en est. Ce contrôle arrive à provoquer la plus effrayante gabegie et les pires concussions. Que font à cette heure nos politiciens, pour qui la crainte des baïonnettes est le commencement de la sa-gesse ? Sournoisement, ils réclament un contrôle. Nous savons ce que parler veut dire. Je vous mets donc en garde contre cette idée, qui paraît si juste pourtant, d’un parlementarisme à l’usine, c’est-à-dire du contrôle de l’administration industrielle. Vous y réfléchirez et vous en reviendrez. Notez d’abord que ce serait un nouvel obstacle à la nécessaire concentration des capitaux, aux besoins d’expansion industrielle et de continuité. Il y a des années très mauvaises et des années très bonnes. Peu à peu, même en le supposant plus sage qu’il ne sera jamais, votre contrôle n’admettra pas les gros bénéfices des bonnes an-nées, et donc empêchera de constituer les réserves qui font résister aux mauvaises. Qu’il n’y ait plus d’anonymat, ni pour la propriété mobilière, ni pour l’immobilier ; qu’il n’y ait plus surtout dans la vie sociale, dans les dépenses égoïstes, que tous vivent au grand jour : c’est la condition même de la confiance qu’il faut exalter pour que la responsabilité soit totale pour chacun. Vous donnez ainsi à la société, avec l’ordre, la sécurité, la liberté, toute sa puissance éducatrice, tout son pouvoir de produire les vertus sociales nécessaires. Vous réaliserez cet objet principal de tout gouvernement d’assurer le meilleur concours de chacun en garantissant la plus grande indépendance de tous. Ne substituons donc rien à la confiance. Elle seule peut établir toutes les responsabilités. Ne mêlons pas les genres, ne confondons pas les fonctions. L’anarchie ne profitera jamais au prolétariat. Vous me dites que vous ne voyez pas bien le jeu de la finance. Normalement, dans l’ordre, elle n’a qu’un objet : entretenir, organiser le crédit, - c’est-à-dire as-surer la confiance. Proudhon se rendait bien compte que tout l’édifice économique de la civilisation repose sur le crédit. Qu’est ce que la religion ? C’est aussi l’organisation du crédit moral, c’est-à-dire la foi. Voici les renseignements que j’ai pu obtenir. Il y a l’Internat primaire qui place les enfants dans des institutions. On paye 10 fr par mois. La demande doit être adressée au Préfet de la Seine ; mais il y a 1000 demandes pour 20 places ! Ce qui est plus pratique, plus facile, c’est d’adresser une demande au Directeur de l’Assistance publique, M. Mesureur, pour que cet enfant soit temporairement recueilli. Dans ce cas, l’enfant, qui est placé chez des paysans, reste en relation avec sa mère qui peut le retirer quand elle veut. Ces institutions n’ont pas été crées, d’ailleurs, spécialement pour les orphelins de la guerre. Sans doute, il s’en créera ; mais, à ma connaissance et à celle des personnes que j’ai consultées, il n’en est pas question encore. Mais pourquoi votre amie veut-elle placer son garçon ? Pour le moment, elle doit toucher son allocation. Après la guerre, elle recevra certainement un secours. Dans deux ou trois ans, ce garçon pourra commencer à travailler, et soulager d’autant sa mère. Certes, il faut du courage, c’est un dur moment à passer ; mais tout vaut mieux que l’éloignement de la mère, la promiscuité dangereuse des rebuts de la rue, du ruisseau que recueille l’assistance publique. Voulez-vous me donner l’adresse de cette dame ? j’irai la voir, - et je m’efforcerai de lui être utile. Donnez-moi aussi tous les renseignements que vous pourrez sur cette famille. Ce-ci me permettra d’agir plus efficacement. Rappelez nous aux bons souvenirs de Madame Ravaté et croyez à mon amitié. Signature |
1915 | André ROSTAND - Georges DEHERME, 18 janvier. | VOIR | |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 24 janvier. | VOIR | |
1915 | Mme DESCHARS - Georges DEHERME, 10 février. | VOIR | |
1915 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 26 février. | VOIR |
ÉCHOS
26 février 1915 Mon Cher Ami, Je viens de recevoir le faire part du décès de Madame Bonnet. Je crois voir que c’est une sœur de Madame Ravaté. Veuillez donc lui dire combien, ma femme et moi, nous prenons part à son chagrin. Ces séparations sont cruelles. Combien elles sont nom-breuses en ce moment ! Si l’on ne voit que soi, tout est absurde, la vie n’a pas de sens… Nous nous occupons un peu de Madame Aveline et de son petit André. Nous tâchons de la réconforter. La pauvre femme en a besoin. Elle semble toute désemparée. Le pis, c’est qu’elle n’a aucune connaissance spéciale. L’État lui fera une petite pension de 700 fr environ, ; mais ce sera insuffisant à Paris. Nous tâcherons de lui être utile. Avec cette pension, surtout en y joignant celle de sa sœur, dont le mari a été tué aussi, ces deux pauvres femmes pourraient voir convenablement dans quelques coins de Bretagne. Ce serait le plus sage, - et le meilleur pour André. Mais y consenti-raient-elles ? Cette vie saine et simple leur paraîtra ennuyeuse. Quand on ne vit pas sur son fonds spirituel, la sotte agitation des villes est une nécessité. Chaque fois que nous voyons ces deux jeunes femmes en larmes, nous sommes profondément remués. Devant les difficultés intérieures que je prévois après la guerre, je reprends mes grands projets. C’est-à-dire, un journal quotidien de dictature spirituelle. Ce n’est que par là qu’il sera possible d’agir, par l’opinion publique, sur les puissances temporelles d’occasion. Pour ne pas négliger pour cela l’action plus profonde sur l’élite, j’y joindrai la gazette hebdomadaire, la Coopération des Idées. Les deux actions se consolideront l’une l’autre. Pour le journal seul, il me faut des concours. Je vais m’en occuper dès que mon livre sera terminé, c’est-à-dire vers le 20 mars. Le journal étant positif, mais non positiviste, pour une action précise, qui sera d’en finir avec les erreurs mortelles du parlementarisme et du suffrage universel, pour le maintien de l’ « union sacrée », j’espère pouvoir trouver ces concours, -et d’autant mieux que j’apporterai moi-même une somme considérable. Je ne sais dans quelle bagarre je m’engage. Mais il me semble que je ne puis m’y refuser. J’eusse préféré, certes, que l’initiative vînt d’un autre. Mais je ne puis plus me faire d’illusion. On donne assez volontiers son sang, dans un élan d’héroïsme, on ne donne pas sa fortune, sa réputation, sa tranquillité dans une guerre d’apaches de ? et de plumes, où toutes les forces d’envies et de haine sont coalisées pour écraser dans la boue. Il faut donc y aller. Seulement j’y veux aller avec quelques chances de réussite. Il me faut trois millions. En ne me réservant que le pain de l’indigence, je n’en ai qu’un demi. Trouverais-je les 2 ½ qui manquent ? Ce n’est pas impossible. Je vais voir. La guerre aura ouvert bien des esprits et des cœurs. Si j’échoue, j’en reviendrai à ma Coopération des Idées hebdomadaire, sans grand espoir que la {...} pénétration puisse assez tôt régénérer les opinions et les mœurs pour empêcher le cataclysme final. En avril, vous pourrez penser à moi, à toutes mes tentatives, aux rebuffades que j’aurai à essuyer. Dès que j’aurai un résultat, je vous le ferai savoir. À bientôt donc ; mon cher ami, et bien affectueu-sement vôtre toujours. Signature La guerre se terminera-t-elle cette année ? On prend ses dispositions pour 1916 |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [16 mars 1915]. | |
ÉCHOS
Cher Monsieur Deherme Depuis un mois déjà, je suis rentré à Roanne au dépôt, puis revenu à l’atelier. Mon patron fournisseur de flanelle pour l’armée a demandé des sursis pour ses gareurs qui étaient dans les dépôts. J’en ai obtenu un pour jusqu’au 14 ?. Mes filles m’accaparent petite Georgette est devenue une grande fille qui ne veut pas quitter son papa une seconde grande Ririte, tout en ayant un peu de dépit de ne pas avoir tout le papa pour elle se console assez vite. On est jaloux dans le jeune âge pour des choses qui font sourire les grands. Mais ce que le temps file at home ; après avoir lu les journaux fait une partie de cache-cache, je n’ai plus le temps, ni le goût pour tous les livres qui m’intéressaient autrefois. Ce n’est pas une sœur de ma femme qui est morte, c’est sa belle-mère. Elle est morte, victime de la table tournante et des morticoles. D’une bronchite aiguë l’ignorante table en a fait une tuberculose pulmonaire, le mal a été aggravé par un médecin qui n’a su que flatter la malade au lieu de lui remonter le moral. Heureusement que le spiritisme l’ayant blessé à mort lui a donné la consolation de supporter la mort, madame Bonnet avait l’espérance de ne pas quitter les siens, de revivre avec eux de les protéger. C’était une brave femme à qui il aurait mieux valu de continuer à croire à la religion chrétienne. Je ne discute pas trop sur ce sujet avec mon beau-père. On ne convainc pas un homme de 64 ans. Madame Aveline vient de m’écrire que son garçon a la rougeole, pauvre femme elle aura bien tous les malheurs. Dans ses dernières lettres, il m’a semblé qu’elle était remontée un peu et elle est heureuse des bons conseils que vous lui avez donnés. À la réflexion, votre idée d’un journal quotidien m’effraie. J’ai peur que le formidable effort qu’il vous faudra fournir n’ait [...] de ruiner votre santé et de vous désespérer. Je ne vois pas quel public vous achètera et vous lira. Le grand public aime le poison, les jocrisses, le bavardage parlementaire et surtout ce suffrage universel qui le dispense d’agir tout en lui donnant l’illusion de l’action, vous allez démolir ses idoles dans votre quotidien et en supposant qu’il vous suive quelque temps, il en aura vite assez de faire des efforts pour agir par lui-même. Je ne crois pas à l’union sacrée , j’ai la vague intuition que ce n’est que l’effort d’un groupe très restreint de bonnes volontés. C’est une formule que les « politiques » sont en train d’user. Cela me rappelle un peu la trêve des partis pendant l’affaire Dreyfus ; c’est l’oubli de soi devant le danger imminent on se discipline, on oublie parce qu’il y a un danger de mort ; mais après… Déjà, en pleine guerre cependant, parce que le sentiment de peur est émoussé, il faut voir où en est l’industrie. « L’Union sacrée », disait un voyageur de charbon, c’est bon dans les journaux, c’est de l’histoire ancienne ; c’est le moment d’en tirer le plus qu’on peut. Les industriels ont le sourire complice, paient plus cher les matières premières et majeurent de telle façon qu’en réalité ils en sont à avoir peur de la fin de la guerre. L’Humanité est elle même mûre pour la positivité. Y arrivera-t-elle une bonne fois ? Recevez pour vous et madame Deherme les bons baisers de nos chères petites et de notre part nos meilleures amitiés. |
1915 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 23 mars. | VOIR |
ÉCHOS
23 mars 1915 Mon Cher ami, Je suis heureux d’apprendre que vous avez pu vous retrempez dans votre milieu familial. Cela vous donnera plus de courage pour attendre la fin de cette guerre interminable. Que je parvienne à lancer un grand quotidien ou que j’en sois réduit à d’autres formes de publication, je vais avoir besoin de tout un personnel de confiance. Naturellement, j’ai pensé à vous. Je ne sais pas encore de quelle façon je pourrai vous employer ; mais je vous connais assez pour savoir qu’on peut faire fonds sur vous. Mais venir à Paris est une grosse affaire. Si nous devions renoncer, après deux ou trois ans d’efforts, re-trouveriez vous votre situation à Roanne, et le goût de votre métier ? Tout cela est bien délicat. Réfléchissez y bien. On a le temps. En tout cas, je voudrais que vous fussiez bien d’accord tous les deux. Je vais commencer mes démarches en avril pour m’assurer les concours financiers et autres qu’exigerait un grand quotidien. D’ici deux mois, nous serons donc fixés sur ce point. Henri Hayem qui avait pris la direction de la CDI durant mon expédition en Afrique a été tué le 28 février. Je vois de temps à autre Mme Aveline. Son petit est guéri. Comme sa sœur a eu également son mari tué à la guerre et qu’elles paraissent bien s’entendre, je leur avais suggéré l’idée de vivre ensemble à la campagne, par exemple dans un coin de Bretagne, ce qui serait fort bon pour André. Avec leur deux pensions réunies, soit 100 francs par mois, elles pourraient vivre convenablement. Mais elles semblent préférer rester à Paris où il leur faut travailler… Depuis quelque temps, le lis régulièrement la Bataille syndicaliste. La bassesse du ton et de l’esprit fait une impression pénible. Quoi ! c’est de ce grossier anticléricalisme dont se nourrit l’élite ouvrière. Trop souvent on pressent l’influence d’argent. Ce journal est tombé en dessous de la Lanterne de Flachon ? et même de l’Humanité et de la Guerre sociale. Ah ! oui, après la guerre, il nous faudra combattre tous ces sordides ex-ploiteurs de l’ignorance populaire… Cela s’imposera au moins autant que de traquer l’égoïsme et la cupidité des bourgeois. Nos amitiés à votre chère femme, nos bons bécots à vos petits anges… Signature Ne vous pressez pas de me répondre. Pesez bien le pour et le contre tous les deux. L’aventure ne manque pas d’aléas. Et en somme, c’est plutôt un sacrifice que je vous demande. |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, 26 mars. | VOIR |
ÉCHOS
Cher Monsieur Deherme Depuis un mois déjà je suis revenu ... |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [30 mars 1915]. | |
ÉCHOS
Cher Monsieur Je n’étais pas réformé, j’étais versé dans le service auxiliaire, le général a estimé qu’avant la convocation de ma classe (1893) j’aurai le temps de me guérir. Je suis libre ; on a enfin libéré les hommes qui étaient dans mon cas et qu’on gardait à la caserne ; le commandant de dépôt avait mal interprété les ordres et sur l’intervention de je ne sais qui un télégramme ministériel est venu ici ordonnant le renvoi dans leurs foyers d’une centaine d’auxiliaires attendant depuis trois mois l’arrivée d’une commission qui ne venait pas. Me voilà donc dans l’auxiliaire et libre jusqu’à la convocation de la classe 1893. Si j’ai bien compris votre lettre, vous m’offrez d’être votre secrétaire particulier et vous me demandez de prendre contact avec vous dès maintenant pour deux ou trois mois. Le poste que vous vous voulez bien me donner m’effraie un peu, j’ai grand peur de n’être pas de taille à répondre à votre confiance. Je fais du travail manuel 10 heures par jour et du travail spirituel à l’occasion comme il me plaît ; ce sera un véritable renversement dans mes manières d’agir. Vous allez avoir la peine de me dresser à ce nouveau service et au lieu de vous aider efficacement tout de suite, je vais vous donner un surcroît de travail. Et cependant il est sage qu’avant de vous engager avec moi, vous puissiez vous rendre compte si je peux vous être utile ; ce n’est pas lorsque vus serez prêt à marcher qu’il faudra chercher quelqu’un d’autre, dans le cas ou je ne vous seconderai pas efficacement. Je me mets donc à votre disposition immédiatement si vous le jugez utile pour les deux ou trois mois qui vont s’écouler avant qu’on appelle les auxiliaires de la classe 1893, je dis deux ou trois mois, mais je ne suis sur de rien, ce sera peut être plus tôt, peut-être plus tard, quoiqu’il en soit si mon incorporation tardait plus,il est entendu que je reviendrais à Roanne reprendre mon travail. A l’atelier où je travaille actuellement, on ne m’accordera pas une permission d’aussi longue durée, on cherchera quelqu’un pour me remplacer cela va sans dire, la main d’œuvre étant rare, je retrouverai sûre-ment du travail lorsque je reviendrai. Évidemment, étant de l’auxiliaire, on ne refuserait pas des sursis à mon patron actuel qui est fournisseur pour l’armée et j’aurais ainsi la chance de passer à l’atelier une grande partie de la guerre, mais cela est une considération accessoire que je laisse de côté. Tout bien pesé, je me mets à votre disposition immédiatement si je puis vous être utile. Ainsi je me met-trais au courant du travail à accomplir et je pourrais orienter mes efforts dans le sens nécessaire pendant le temps qui restera avant la parution du journal ou de la revue parce que j’espère bien que la victoire sera complète et qu’il y aura plus place en Europe pour un rêve barbare d’hégémonie mondiale avec le concours d’une caste militaire savamment organisée. Les Allemands nous ont donné une belle leçon de fait : la science ne sert à rien si elle ne sert pas l’humanité ; elle est outil perfectionné qui peut faire un très grand mal lorsqu’il n’est pas manié par des hommes fins ayant le sens social, ce qui ne s’acquiert en quarante ans. Les Allemands ont les tares et aussi les qualités des parvenus. Avec les bons baisers de nos petites cocotes, recevez pour vous et madame Deherme nos meilleures amitiés. |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, mai. | | |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [1er mai 1915]. | VOIR | |
1915 | Georges DEHERME - Horace DEHERME, 3 mai. | VOIR | |
1915 | X. - Henriette DEHERME, 7 mai. | VOIR | |
1915 | Henriette DEHERME - Jules RAVATÉ, s.d. (10 mai 1915). | |
ÉCHOS
Bons et chers amis, Nous sommes bien heureux des meilleures nouvelles !... Nous souhaitons ardemment que ce mieux continue sans arrêt et nous comptons sur le beau temps pour aider à la pleine guérison !... Nous sommes toujours bien avec vous de cœur et il faut vraiment que nous soyons bien surmenés pour ne pas vous écrire plus souvent et plus longuement ! L’action est engagée…. Mon mari est en plein dans le jeu de la bataille qui commence assez brillamment !... De beaux cœurs se révèlent ainsi que de précieux concours… mais sera-ce suffisant pour faire bloc contre la si diabolique organisation du mal !... Nous avons 2 employés, je consacre tout mon temps, mon mari n’arrête pas et nous faisons difficilement face à la besogne qui s’accumule chaque jour davantage !... Ah ! cher Monsieur Ravaté, que cela vous intéresserez et que nous vous souhaitons souvent près de nous pour nous aider !!- Toute notre affection va vers vous deux et nous embrassons très fort les 2 cocottes tant aimées. H. Deherme |
1915 | Léopold ORDIONI - Georges DEHERME, 12 mai. | VOIR | |
1915 | Paul ACKER - Georges DEHERME, 19 mai. | VOIR | |
1915 | Albert THIERRY - Georges DEHERME, 19 mai. | VOIR | |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. (30 mai 1915). | VOIR | |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, Juin. | VOIR | |
1915 | Famille THIERRY - Georges DEHERME, s.d. [juin 1915]. | VOIR | |
1915 | X. - X. 6 juin 1915 | VOIR | |
1915 | Georges DEHERME - Horace DEHERME, 9 juin. | VOIR | |
1915 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 12 juin. | VOIR |
ÉCHOS
12 juin 1915 Mon Cher Ami, Personne n’a pu me donner une réponse catégorique au sujet de votre situation militaire. Et il est probable que personne n’en peut donner. Vous devez être pris par deux décisions contradictoires formulées à deux moments différents par deux services qui s’ignorent mutuellement. Il en va de même un peu partout. Je lisais ces jours ci une circulaire du Ministre de la Guerre concernant les hommes des classes 1887-88, qui se sont engagés. Or, les engagements de ces hommes – je le sais par ma propre expérience- ont été refusés. C’est le gâchis. Et cela s’étend à des choses beaucoup plus graves. Pas de coordination, pas de direction convergente, beaucoup de paperasse, voilà les meilleurs alliés des Boches. Malheureusement, il semble qu’il en soit de même à l’armée, et chez nos alliés. Chez les Boches, au contraire, une puissante organisation, une tête, un gouvernement qui sait prévoir, pouvoir, commander. Je lisais ces jours-ci qu’ils fabriquent déjà des draps imperméables, pour l’hiver prochain. Nous, nous nous y mettrons en février et mars, et ce sera prêt pour juillet 1916. Mais revenons à vous. Puisqu’il y a en ce qui vous concerne deux décisions contradictoires, tenez vous en à celle qui vous arrange le mieux, en tâchant de couvrir le plus possible par un ordre écrit ou, à tout le moins, formulé nettement devant témoin. De toutes manières, c’est le service de recrutement qui doit l’emporter. Mon projet reçoit le meilleur accueil. Peut-être parviendrai-je à le réaliser. Je ne me suis adressé encore qu’aux intellectuels. On reconnaît la nécessité d’une action semblable, et même que je suis tout désigné pour le conduire. C’est fort bien ; mais on ne me fournit pas les moyens de l’engager. À par M. Etienne Lamy et Adolphe Carnot, on redoute même de se compromettre en sollicitant des capitalistes pour moi. Je vais donc avoir à m’adresser directement à eux. Ce sera mon occupation de juillet. Si je ne réussis pas, je renoncerai au quotidien pour m’en tenir à la gazette hebdomadaire, à la revue et , peut-être, au pamphlet avec mes seules ressources. Je renoncerais à tout, d’ailleurs –même si je réunissais le capital pour le quotidien, dans le cas ou la victoire française ne serait pas complète, où l’Allemagne pourrait se reprendre et nous tomber dessus avant dix ans. Je considérerais alors notre pays comme irrémédiablement perdu. Je serai sûrement mobilisé et je voudrais bien, auparavant, avoir préparé notre action pour l’engager dès que le dernier coup de fusil aura tué son dernier homme. Je vais donc, ayant envoyé toutes mes circulaires, préciser le plan du journal, définir notre programme. Il me faudra renoncer à la société en participation -qui est une forme vicieuse- avec émission d’actions et d’obligations. Il paraît qu’il est possible, sous cette forme, de m’assurer l’indépendance et le continuité de la direction. Je vous remercie de votre réponse. Certainement, vous me serez utile. Je veux un personnel de confiance. J’ai déjà l’administrateur, le rédacteur en chef. Vous pourriez être mon secrétaire particulier. Le travail de rédaction consistera surtout à lire les journaux, à dépouiller les documents, à vérifier. Je vous emploierai au mieux, suivant vos goûts et vos aptitudes. Il est évident qu’il sera prudent, auparavant, d’essayer si cette nouvelle vie vous plaît, si l’atmosphère de Paris, le noctambulisme ne vous sont pas trop pernicieux, et de n’amener votre petite famille qu’après un essai de quelques semaines. Si je me borne à l’hebdomadaire, le personnel sera assez restreint (6 ou 7) ; mais, pour le quotidien, c’est au moins 20 qu’il faudra compter, sans les correspondants de France et de l’étranger. C’est une tâche écrasante que j’assume, et je vous assure qu’il faut que je sois bien persuadé de sa nécessité pour l’entreprendre. Dès que vous serez fixé pour votre réforme, avisez-moi. Travaillez vous, et dans quelles conditions ? N’était que je puis être appelé d’un moment à l’autre et que je ne suis pas encore assuré d’entreprendre cette action (cela dépendant, comme je vous l’ai dit du résultat de la guerre), je vous demanderais bien de venir dès maintenant. J’ai grand besoin d’être secondé pour des travaux importants. Si j’étais certain qu’une absence de deux ou trois mois ne peut vous nuire, ni pour votre travail, ni pour votre ménage, ni pour votre santé, volontiers je vous prierais de venir. Il va sans dire que vous seriez défrayé de tout aller et retour, de façon à ce que vous puissiez alimenter votre petite famille à tout le moins aussi confortablement que par votre travail d’usine. Cela vous permettrait de prendre contact avec Paris. Si nous ne faisons qu’un hebdomadaire – ce qui est le plus probable- le travail serait moins fiévreux, plus normal, et de jour. Cela vous conviendrait mieux. Ce serait aussi plus dans mes goûts. Mais combien ce serait moins efficace ! La défaite russe va prolonger la guerre indéfiniment, -malgré l’entrée en campagne de l’Italie. On ne comprend pas pourquoi nous avons laissé écraser ainsi nos alliés. Si nous avions une direction quelconque, ce serait à croire que l’on a voulu affaiblir la Russie. Ce serait un jeu bien dangereux. Car, maintenant, toutes les forces boches vont se lancer contre l’Italie et contre nous. Pendant près de deux mois, tout le front occidental de nos ennemis a été a peu près dégarni. Nous avions des ?, dit-on, et nous n’en avons pas profité. Cette occasion d’une offensive générale ne se retrouve-ra pas de sitôt. On annonce cependant un grand effort du côté de Cambrai. Il serait temps. Je vois toujours Mme Aveline de temps à autre. Bien à vous, avec de gros bécots de nous deux pour vos fillettes. Signature |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [15 juin 1915]. | VOIR |
ÉCHOS
Cher ami, J’accepte vos conditions et je me mettrai à votre disposition dès la semaine prochaine. Je partirai le 3 juillet, par l’express de 22h 52 qui arrive à Paris à 6h20. Je vous remercie de vouloir venir m’attendre en gare, mais c’est vraiment abuser de vous, je me charge bien de trouver le boulevard de la Madeleine dans la journée du dimanche. Vos conseils pour la vie pratique à Paris me sont infiniment précieux et je comprends bien qu’il faudra loger loin du quartier de la Madeleine mais avec le tramway ou le métro, le déplacement sera facile. Je ne suis pas trop difficile. J’espère qu’avec 30 ou 40 francs par mois je pourrai trouver ce qui me conviendra. Je n’ai pas de camarade à Paris et je ne sais pas où trouver une pension et je ne veux pas grever mon budget ; votre aide sera donc très utile. Évidemment je suis peiné de quitter tout mon petit monde après l’avoir retrouvé, mais il est sage que je tâte la vie à Paris et que je m’adapte un peu, ce sera le meilleur moyen de faciliter leurs premiers pas si nous y retournons tous. Avec tout mon respect à Madame, et les bons baisers de nos grandes filles, recevez cher Monsieur, nos meilleures amitiés. |
1915 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 25 juin. | VOIR |
ÉCHOS
25 juin 1915 Mon Cher Ami, Si j’ai mis quelque temps à vous répondre, c’est qu’un point de votre lettre nous avait, ma femme et moi, fort troublés. C’est à cause de votre situation militaire. En vous faisant venir à Paris, nous vous enlevions une chance d’être laissé à Roanne, - et, aussitôt, nous avons entrevu la responsabilité que nous encourions si vous étiez mobilisé, envoyé sur le front, etc… Mais un ami vient de me faire remarquer que, de toute façon, l’auxiliaire reste à l’arrière. Dans ce cas, nos scrupules sont quelque peu apaisés. Néanmoins, réfléchissez bien. Vous me rendrez service en venant. Mais il ne faut pas que, vous ou les vôtres, vous en souffriez. Ne vous illusionnez pas, non plus, sur le genre de travail que je vous demanderai. Il est des plus fastidieux. C’est tout une affaire de chiffre, que je vous expliquerai, sans intérêt autre que le résultat que j’en attends. Il y faut une grande attention. Je vous mettrai aussi au courant de la machine à écrire. C’est là aussi un travail de copie bien rebutant. Enfin, vous ne risquez rien en venant. Si cela ne vous convient pas, vous vous en retournerez dans quinze jours ou un mois, - et nous aurons eu le plaisir de nous être vus. Je vous donnerai 200 francs par mois, plus 50 francs pour votre voyage aller et autant pour le retour. Ce sont là des conditions provisoires ; et suivant les services que vous rendrez. Cela va-t-il ? Je crois que vous pourrez trouver une chambre pour 30, 40 francs par mois. Pour la nourriture, vous pourrez compter sur 2fr50 à 3fr par jour. Je vous aiderai à vous caser. Si vous trouviez une pension, cela serait plus économique. Peut-être avez-vous des camarades à Paris ? Venez quand vous pourrez, pas trop tard, après le 1er juillet. Ne prenez pas d’argent. Je vous rembourserai vos frais de voyage immédiatement et vous fournirez les avances dont vous pourriez avoir besoin. Avisez-moi de votre arrivée afin que je puisse vous attendre à la gare. Je pense que nous nous reconnaîtrons. À bientôt j’espère. Bien cordialement vôtre. Signature. Il faudrait mieux que vous arriviez le matin pour que nous ayons le temps de chercher votre chambre. Si vous vouliez bien me dire ce que vous désirez déjà voir un peu. Il faudra sans doute vous éloigner ; car le quartier de la Madeleine est fort cher. Enfin, nous verrons. |
1915 | Jules RAVATÉ - Georges DEHERME, s.d. [27 juin 1915]. | |
ÉCHOS
Cher ami, J’accepte vos conditions et je me mettrai à votre disposition dès la semaine prochaine. Je partirai le 3 juillet, par l’express de 22h 52 qui arrive à Paris à 6h20. Je vous remercie de vouloir venir m’attendre en gare, mais c’est vraiment abuser de vous, je me charge bien de trouver le boulevard de la Madeleine dans la journée du dimanche. Vos conseils pour la vie pratique à Paris me sont infiniment précieux et je comprends bien qu’il faudra loger loin du quartier de la Madeleine mais avec le tramway ou le métro, le déplacement sera facile. Je ne suis pas trop difficile. J’espère qu’avec 30 ou 40 francs par mois je pourrai trouver ce qui me conviendra. Je n’ai pas de camarade à Paris et je ne sais pas où trouver une pension et je ne veux pas grever mon bud-get ; votre aide sera donc très utile. Évidemment je suis peiné de quitter tout mon petit monde après l’avoir retrouvé, mais il est sage que je tâte la vie à Paris et que je m’adapte un peu, ce sera le meilleur moyen de faciliter leurs premiers pas si nous y retournons tous. Avec tout mon respect à Madame, et les bons baisers de nos grandes filles, recevez cher Monsieur, nos meilleures amitiés. |
1915 | Georges DEHERME - Jules RAVATÉ, 29 juin. | VOIR |
ÉCHOS
29 juin 1915 Entendu, mon cher ami, je vous attendrai à la gare dimanche matin, à 6h20. Je suis grand et gros. Je serai habillé en gris, chapeau de paille. De mon côté, je crois que je vous reconnaîtrai aisément avec votre barbe. Je me tiendrai à la sortie près des receveurs de billets. Dans le cas improbable où l’on ne se rencontrerait pas, rendez vous chez moi. J’aurai visité samedi quelques chambres meublées, et vous pourrez, en arrivant, choisir, vous installer et vous reposer. Mon projet est en bonne voie. J’ai de précieux concours. Excusez-moi encore, auprès de votre chère femme, pour la peine que je lui cause, et croyez à mon affec-tion. Signature |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 6 juillet. | VOIR |
ÉCHOS
Mardi 6 juillet 1915 Ma grande Deux mots à la hâte. Dimanche matin, Deherme m’attendait à la gare comme il était convenu. Je n’étais pas trop fatigué quoique n’ayant pas dormi dans le train qui était bondé de monde sur tout son parcours. J’ai tout de même trouve le trajet long. Arrivé exacte à 6h20. Deherme m’offre un lait et nous causons de la chambre et de la nourriture ; con-clusion : aller chez Madame Aveline. Ces dames étaient au lit. Mme Segond m’offre la chambre et Madame Ave-line la nourriture. Déjeuner à midi ½ chez Madame Deherme. Ma-dame Deherme est très gentille et son mari ne fait rien sans la consulter du regard. Nous avons causé de nos filles, puis déjeuner très simple œufs au fromage, pou-let, dessert. Deux verres, un grand et un petit pour boire mon eau minérale, un jeu de cuillères, il a fallu donner le bras à madame Deherme pour passer à la salle à manger. Je me suis promené un peu dans Paris. Quels trajets grands dieux. Lundi hier, travail dès 10 h Sortie à midi, reprise à 3 h avec du travail à faire chez moi, sortie à 7h. Présenté à la machine à écrire et ac-cumulé des chiffres à briser la cervelle. L’estomac ne va pas plus mal qu’à Roanne, madame Aveline vient d’écrire à un ami de son mari pour me faire visiter par un spécialiste d’un grand hôpital. Elle me nourrit comme toi ; nous n’avons pas encore arrangé le prix. Mme Segond refuse de l’argent pour sa chambre. Je boucle vite. Deherme m’ayant dit d’être chez lui à 9h et il est 8 heures et je n’ai pas bu ma tasse de lait coupé d’eau minérale. J’ai 25 minutes de tramway et je ne suis pas habillé. Mes deux soirs après souper, dimanche et lundi, je les ai occupés à dormir. Quelles grosses bises à vous trois je vous envoie. Jules Ecris moi chez Madame Aveline
|
1915 | Georges DEHERME - Horace DEHERME, 7 juillet. | VOIR | |
1915 | A. DAUDÉ-BANCEL - Georges DEHERME, 10 juillet. | VOIR | |
1915 | Famille THIERRY - Georges DEHERME, 12 juillet. | VOIR | |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 14 juillet. | VOIR |
ÉCHOS
14 juillet 1915 Ma bien grande Je réponds à tes questions …. Aujourd’hui 14 juillet. Deherme hier ne voulait pas que j’y aille aujourd’hui ; je lui ai dit que si. Cela lui a plutôt fait plaisir ; surtout que je n’y vais jamais les soirs, j’emporte du travail à la maison ; je travaille donc aux heures qui me plaît. Je lui avais dit que dimanche pas-sé, j’étais allé au musée du Petit Paris et que dimanche prochain, je me proposais d’aller au Louvre ; il m’a conseillé d’y aller la semaine, je serais moins dérangé. Pourvu que son travail se fasse, cela lui importe peu que ce soit le dimanche ou le 14 juillet…. Deherme ne doit pas être mécontent de moi ; sa dame m’a fait cadeau d’une vielle montre d’un de ses oncles. Montre plate à clef que Deherme a bien fait ré-parer… |
1915 | Georges DEHERME - Charles GIDE, s.d. [18 juillet 1915]. | VOIR | |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 20 juillet. | VOIR |
ÉCHOS
Mardi 20 juillet 1915 Ma grande Trois lettres |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 21 juillet. | VOIR |
ÉCHOS
Lundi matin 21 juillet 1915 Ma grande Je reçois à l’instant |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 24 juillet. | VOIR | |
1915 | Charles GIDE - Georges DEHERME, s.d. 25 [juillet 1915]. | VOIR | |
1915 | Georges DEHERME - Horace DEHERME, 27 juillet. | VOIR | |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 28 juillet. | VOIR |
ÉCHOS
28 juillet 1915 Ma grande Beaucoup de médecins sont mobilisés |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 6 août. | VOIR |
ÉCHOS
Vendredi 6 août 1915 Ma grande Je comptais et j’attendais une lettre |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 8 août. | VOIR |
ÉCHOS
Dimanche 8 août 1915 Ma petite grande Ce soir sera pour vous….. Ma lettre avait parfaitement répondu à la tienne. J’avais reçu le certificat du Dr Moulade et j’avais retourné la carte du bureau de recrutement. J’avais assez d’argent pour pouvoir tout payer : médicaments, pension, médecins. Deherme ayant peur que j’en manque le 31 juillet en venant me voir, m’avait apporté les 200 francs de mon premier mois. Je lui dois de la reconnaissance pour son inlassable amitié pour moi ; c’est un timide qui est embarrassé pour être bienfaisant. Et discret avec ça ! |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 11 août. | VOIR |
ÉCHOS
Mercredi 11 août 1915 Ma grande …..Je vais travailler couramment maintenant le matin chez M. Deherme
|
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 15 août. | VOIR |
ÉCHOS
Dimanche 15 août 1915 Ma petite maman chérie Tes lettres sont les bienvenues |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 20 août. | VOIR |
ÉCHOS
20 août 1915 Ma chère maman Ces dames ont du t’écrire…. Claude est-il revenu d’Aurillac ? Ce veinard risque encore d’avoir des permissions de vendanges, elles se-ront de quinze jours. Lorsqu’il reviendra à Roanne, dis lui donc d’aller au Comptoir national d’escompte retirer ses actions et qu’il les mette ailleurs ; qu’il formule son désir de posséder ses actions par une lettre datée et que si le président ou l’employé faisait la plus petite mauvaise tête, que par lettre à une autre banque sé-rieuse, il autorise le directeur d’agir en son lieu et place, qu’il lui remette le récépissé (contre reçu bien entendu) et que la nouvelle banque soit dépositaire de ses actions. J’ai peur que le Comptoir national d’escompte tombe une bonne fois en déconfiture. L’Action française avec Daudet est en train de mener une campagne très active contre un nommé Ullmann qui est un grand manitou caché et couvert par le prési-dent français du Comptoir national. Si la campagne de Daudet réussit le portefeuille de la banque s trouvant en Allemagne, en valeurs fran-çaises, tout au moins la grande partie, Ullmann le natu-ralisé s’il est boche vraiment pour se venger les passera à une banque similaire allemande et alors le gouver-nement allemand les confisquera et les mettra sous sé-questre. Si la campagne n’aboutit pas et qu’Ullmann ne soit ni poursuivi, ni rejeté du sein du conseil d’administration, beaucoup de Français retireront leurs capitaux et il y aura risque encore à laisser des valeurs chez eux. On ne sait jamais avec cette guerre, on peut lui mettre toutes les déconfitures sur le dos. La plus élémentaire prudence conseille à Claude d’agir ainsi. Cette Action française est excessivement intéres-sante, il y a là une phalange qui travaille activement. Elle a ses tares, elle (est) royaliste et duc d’Orléans, elle est nationaliste outrancière, elle est grossière… C’est un peu une vertu de jeunesse et de l’action ; en agissant fortement on casse souvent la politesse de convention qui domine et cache les mauvaises actions. Mais elle a le sens français, par excellence, un don de discipline, un logicien incomparable –Ch Maurras- et surtout elle a pour elle d’avoir eu raison. L’Allemagne était un grave péril, ses espions étaient un danger constant qui préparait les voies à l’envahissement ; elle avait raison de s’opposer énergiquement contre le paci-fisme et l’abaissement, la diminution de l’esprit patrio-tique et militaire que nous croyons tous, que nous avons tous cru, le vrai garant de la paix. Nous nous étions trompés grossièrement, eux non. C’est leur force et c’est la raison pour laquelle on doit faire attention à ce qu’ils écrivent et pensent. J’ai proposé un article pour Le Réveil contre la science allemande d’après l’opuscule de Duhem. Je le recopie à la machine à écrire. Il y avait déjà quelque temps que je n’en avais fait, depuis ma maladie et de-puis Madame Deherme la tenait dans sa chambre pour relever la notice que son mari avait préparée pour le lancement de son journal. Une longue notice complé-mentaire à son appel qu’il m’avait fait parvenir. Nous sympathisons de plus en plus, Deherme et moi ; il m’a dit qu’il faudra bien que je lise la volumineuse corres-pondance occasionnée par le lancement afin de me mettre au courant. |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 23 août. | VOIR |
ÉCHOS
Lundi 23 août 1915 Ma grande fille J’ai tes quatre dernières lettres |
1915 | Jules RAVATÉ - Eugénie RAVATÉ, 28 août. | VOIR |
ÉCHOS
Vendredi 8 h soir 28 août 1915 Ma chère maman chérie Ta carte me prouve qu tu as reçu ma dépêche et que tu étais bien contente. Je suis heureux aussi et sur-tout que tu le sois. Deherme et sa femme étaient an-xieux, hier soir, et m’attendaient avec impatience pour savoir le résultat ; leur joie aussi, a été grande….. C’était fini vers les 3h ½ je suis allé au bureau té-légraphique de l’Opéra, puis chez Deherme. Lui n’y était pas, au premier abord, nous avons fait une longue causerie avec sa dame et nous l’avons continuée long-temps avec lui. Je les ai quittés à six heures. Madame Deherme m’a raconté sa vie. Son suicide qui lui a détérioré l’œil droit au point qu’il a fallu lui faire subir une grave opération. Il ne lui reste que le gauche…. |
1915 | Georges DEHERME - Georges VALOIS, s.d. [30 août 1915]. | VOIR | |
1915 | Famille HENNEQUIN - Georges DEHERME, s.d. [septembre 1915]. | VOIR | |