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1884 Revue anti-patriote révolutionnaire (La)

Georges Deherme a 17 ans. Il est l'initiateur de ce qui est sans doute la première revue crée par les jeunes militants anarchistes de Paris.

 

Repères

Au début des années 1880, Anne-Louise Deherme (1831-1910) et son fils Georges (1867-1937) quittent Paris, destination Marseille. Les raisons de ce déménagement restent obscures. Pour la mère en mal d’emploi à Paris, peut-être une promesse d’embauche ; pour Georges, une certitude, c’est le temps des apprentissages professionnels. Il sera bijoutier.

C’est une activité très présente dans la famille par ses parents d’abord. Eugène Rougé (18..-1876), le père supposé, est horloger, puis représentant de commerce et Anne-Louise sa mère qui, à la recherche d’un travail, envisage d’embrasser cette profession en 1876. Son oncle Charles Deherme (1833-….) est lapidaire et Victor-Louis Richard (1840-), marié avec Marie-Louise Deherme (1844-….), une tante, est bijoutier, tout comme son frère Louis (1853-…) qui exerce à Paris.  Gaston (1885-1922), un neveu, est sertisseur.

Il réside avec sa mère 9, rue Teisseire en périphérie de Marseille et travaille comme apprenti bijoutier chez Mouton, fabricant, 5 rue du Marché des Capucins, proche de la Canebière,  à la grande satisfaction de son patron.

Très vite, il fréquente les milieux socialistes et anarchistes : le Cercle Esquiros, le Cercle de l’Union des peuples latins. En 1884, l’agitation anarchiste est alimentée par le crime de Louis Chave qui assassine deux religieuses (27 février) et par l’épidémie de choléra qui touche la ville à la fin de juin. Cette épidémie a pour conséquence le chômage de milliers d’ouvriers, déjà touchés par la forte récession économique, crise sociale qui entraîne une grande mobilisation dans diverses réunions en faveur des « sans travail ».

Deherme collabore à L’Affamé qui paraît en mai 1884. Il participe à l’organisation d’un grand meeting le 14 juillet. La répression est sévère. Les principaux organisateurs sont arrêtés, Louis Bouisson (1848-…), Charles Godard (1862-….). La situation devient périlleuse. Georges Deherme, prudent, rentre à Paris à la fin de l’été.

Il s’installe 5, rue du Roi Doré dans le quartier du Marais (3ème), garni provisoire car quelques jours plus tard, il loge au 207, Bd Voltaire tout proche (11ème).

Au début des années 1880 l’anarchisme parisien se développe. Des groupes nombreux, des jeunes en particulier et Deherme se rapproche de la Jeunesse anti-patriote tout juste crée au mois d’août. A la réunion du lundi 11 août, l’ordre du jour est la formation d’un groupe. Les réunions suivantes abordent la question de l’organisation de la propagande : quels thèmes, quelles formes ? Face à la crise industrielle, à l’essor de la contestation sociale et au developpement des idées anarchistes, la bourgeoisie a besoin d’un dérivatif pour dépasser la lutte des classes qui s’exacerbe. Pour la Jeunesse anti-patriote, rien de mieux comme réponse de la bourgeoisie qu’une guerre européenne. C’est pour mobiliser les jeunes, ceux qui font les guerres que la Jeunesse lance un appel.

La propagande anti-patriotique prendra la forme d’un journal. C’est l’ordre du jour de la réunion du 25 septembre. Le 12 octobre, les présents réfléchissent aux meilleurs moyens d'assurer la vitalité du journal dont le 1er numéro sort début octobre.  Lors de la réunion du 9 novembre, la survie du journal est jugée précaire et le groupe insiste sur l’urgente nécessité d’un organe anti-patriotique rédigé par la jeunesse. Le n°2 est programmé.

C’est Georges Deherme qui annonce la publication dans un tract de présentation où il incite les compagnons à s'abonner afin de combattre énergiquement "l'absurdité du patriotisme… le chauvinisme et tous les préjugés". La parution est prévue pour le 4 octobre et tous les premiers samedis de chaque mois. Elle est rédigée par de jeunes révolutionnaires de Paris, et des correspondants internationaux. Un appel est fait pour des correspondances régionales. Les abonnements sont reçus à son domicile, 5, rue du Roi-Doré à Paris.

Deux numéros vont paraître en octobre et novembre 1884 au format 14*21,5 cm, 8 p. +4 pages de couverture, 25 centimes le numéro mensuel. La rédaction et l’administration sont assurées par Deherme 207, bd Voltaire Paris. L’imprimerie est 21, rue des Fontaines du Temple, le gérant est Le Bolloch (même adresse que l’imprimerie). Les articles ne sont pas signés. Deherme a fait paraître une circulaire de présentation publiée dans Le Révolté (Genève) du 12-25 octobre 1884.

Dans le n°1, Deherme s’adresse aux lecteurs sous le titre « La Revue patriote à ses lecteurs ». Cette publication veut combattre tous les préjugés et ceux qui les maintiennent car ce sont eux qui font obstacle à la Révolution sociale qui « renversera cette société pourrie qui n’est basée que sur l’assassinat légal et l’exploitation, pour la remplacer par une société égalitaire basée sur la paix et le travail où chacun produisant selon ses forces et ses capacités pourra consommer selon ses besoins et pour nous résumer par la Société Communiste Anarchiste. Vive la Révolution sociale »

Le journal est bien accueilli. Lyon Socialiste, l’organe hebdomadaire des Travailleurs de la région de l’Est, organe du P.O.F. souhaite dans son numéro 4 du dimanche 5 octobre 1884, tout le succès possible à la Revue anti-patriote révolutionnaire devant paraître à partir d’octobre le premier samedi de chaque mois. Il publie l’appel que la rédaction adresse aux révolutionnaires. « Convaincus de l’absurdité du patriotisme et indignés de la façon dont la bourgeoisie abrutit la jeunesse à l’école, à l’atelier et dans les sociétés, nous avons décidé de faire un organe rédigé par les jeunes révolutionnaires de Paris avec la collaboration de nombreux correspondants internationaux dans le but de combattre énergiquement le chauvinisme et tous les préjugés ».

Le numéro de novembre (n°2), s'adresse aux Patriotes en réaffirmant le refus de toute guerre. 

Les deux numéros renseignent sur le développement de la presse anarchiste et donnent à voir la liste de brochures disponibles auprès de la revue.

L’arrestation du gérant Le Bolloch, condamné à huit jours de prison et 100 francs d’amende suspend la publication. C'est dans le journal Terre et Liberté que l’administrateur (Deherme sans doute) promet la continuation de la propagande avec une brochure dédiée à la jeunesse qui sera envoyée à tous les abonnés. Il fait paraître une adresse aux jeunes gens. La cessation de la publication laisse quelque argent en caisse. Tous les compagnons de la Jeunesse antipatriote sont convoqués à une réunion générale le lundi 22 décembre 1884 au 43, rue Basfroi. Cette réunion est d’une extrême importance pour discuter de l’utilisation des fonds restant afin de les employer à la propagande anti-patriotique.

 

 

 

 

 

 


Liste des numéros

Disponible sur Gallica.

1884 n°1, octobre.

1884 n°2, novembre.